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Mauvaises mines

L’ÉDITORIAL

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Calme, sang-froid, sérieux, patience, et pour ne rien gâcher, un maintien de gentilhomme : toutes qualités qui font imparablement un bon, un excellent chef de gouvernement. Mais combien de temps calme, patience et bonnes manières peuvent-ils demeurer de mise face à la mauvaise foi, à la volonté délibérée de blocage, de sabotage affichées par une bonne (façon de dire) partie de ce qui est en principe votre propre gouvernement ?
Lundi, c’est de deux côtés différents, et dans des styles divers, que Tammam Salam se faisait courtoisement, mais fermement, houspiller. Pour le président de l’Assemblée Nabih Berry, le Premier ministre devrait se décider à agir en prenant soin toutefois de se conformer aux dispositions du Livre, autrement dit de la Constitution. Savoureuse précision, émanant d’un chef du législatif à qui il est arrivé de cadenasser, des mois durant, les portes du Parlement. Nabih Berry a, en outre, le rare privilège de présider une Assemblée qui, à deux reprises a prorogé son propre mandat et qui se distingue par une apathie au moins égale à celle du gouvernement. Où est-il donc passé, le fameux Livre, dans cette frénésie de bricolage?
Plus crédible, dès lors, plus extrême aussi, est l’appel lancé au Premier ministre par le chef du parti Kataëb Samy Gemayel, afin qu’il frappe du poing sur la table. Qu’il propose des idées pour mettre fin à l’impasse. Et qu’il réunisse le Conseil des ministres sans se soucier des absents et autres empêcheurs de tourner rond.
Le fait est que les échéances graves ne font que s’empiler, un peu à l’image de ces montagnes de détritus qui ont envahi deux semaines durant les rues et les routes et qui attendent toujours une fin de carrière un tant soit peu décente. Le fait est, de même, que l’actuel et interminable débat sur le mode de fonctionnement (et de prises de décisions) du gouvernement condamne, de toute manière, le gouvernement soit à la mort clinique, soit, à la longue, à la mort subite, alors que dans les deux cas une population entière est laissée à l’abandon. Le fait est, enfin, qu’à plus d’une reprise, le président Salam a indiqué qu’il maintenait toutes les options ouvertes, laissant entendre ainsi que si sa patience était poussée à bout, il pourrait se voir contraint de rendre son tablier.
À cette menace voilée, Hassan Nasrallah répondait, la semaine dernière, par une claire mise en garde, affirmant que ce serait là un saut dans l’inconnu. Force est d’admettre qu’en un sens, le chef du Hezbollah n’a pas tort, le gouvernement, en dépit de ses tares congénitales, étant en effet le dernier organe politique encore debout. Mais comment oublier que cette hécatombe institutionnelle n’est autre que le résultat du méthodique travail de sape auquel se livrent, depuis des années, la milice pro-iranienne et ses alliés ? Et le comble de la duplicité n’est-il pas de court-circuiter le Sérail, et puis d’en miner les issues de secours ?
Un saut dans l’inconnu, on s’en passerait bien sûr. Mais le trop bien connu de notre triste présent vaut-il vraiment mieux ?