Dimanche, Jezzine a rendez-vous avec une double échéance électorale : les municipales, d’une part, et la partielle législative de l’autre, visant à élire un successeur au député Michel Hélou, décédé en juin 2014. Les yeux sont donc rivés sur le caza où une dure bataille semble s’annoncer, notamment dans la ville même de Jezzine, les différentes forces politiques dans la région mettant tout leur poids dans ces élections.
Dans le chef-lieu du caza, la bataille municipale « n’est plus une bataille rangée entre les familles, mais politisée, en raison de la partielle », explique à L’Orient-Le Jour, un habitant de Jezzine qui suit de près le dossier.
Quelque 8 400 électeurs inscrits sur les listes électorales – près de 4 500 d’entre eux exerceront leur droit au vote, selon les observateurs – se dirigeront donc vers les urnes pour élire dix-huit nouveaux membres du conseil municipal de Jezzine-Aïn Majdaline et six moukhtars. Deux listes sont en lice, l’une menée par le président sortant du conseil municipal, Karim Harfouche, désigné pour ces élections par le chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, Michel Aoun. Il serait boycotté par une partie des partisans du Courant patriotique libre. La seconde liste a été formée par l’ancien député de Jezzine, Samir Azar. Elle serait appuyée par le mouvement Amal, sachant qu’aucune décision dans ce sens n’a encore été officiellement annoncée, ainsi que par le Parti syrien national social.
Les élections précédentes
Pour mieux comprendre les enjeux qui se posent dans le chef-lieu du caza, il convient de remonter aux dernières élections législatives et municipales qui se sont déroulées respectivement en 2009 et 2010.
Lors des législatives de 2009, trois listes menaient la course à l’hémicycle : la première présidée par Samir Azar et soutenue par le mouvement Amal, la deuxième formée par le Courant patriotique libre avec pour candidats Ziad Assouad, Michel Hélou et Issam Sawaya (tous élus à l’époque), et la troisième menée par l’ancien député et ministre Edmond Rizk qui, par sa candidature, avait cherché à « préserver l’indépendance de la région, sa liberté de décision, sa spécificité et la coexistence entre ses différents habitants », comme il l’avait alors déclaré à l’OLJ. M. Rizk avait estimé à l’époque que « le conflit entre des leaders non originaires de Jezzine (Berry et Aoun) était une forme d’agression contre le caza ».
Dans le cadre des municipales de 2010, les tentatives menées par Amine Edmond Rizk pour former une liste consensuelle qui comporterait des candidats des différentes forces présentes sur le terrain avaient alors échoué. Deux listes avaient donc été formées, l’une appuyée par le CPL et M. Edmond Rizk, et l’autre appuyée par le parti Kataëb, les Forces libanaises et M. Samir Azar.
La liste soutenue par le CPL avait remporté la bataille. Elle était présidée en alternance par Walid Hélou et Youssef Rahal. « Mais au bout de ces trois ans, Walid Hélou avait refusé de passer le flambeau, rappelle à l’OLJ un observateur averti. Des disputes avaient éclaté au terme desquelles on a fait appel à Karim Harfouche, alors président de la Fédération des municipalités de Jezzine, qui a été désigné président du conseil municipal. Toutefois, pour des raisons multiples, plusieurs personnes qui étaient de son bord se sont retournées contre lui, principalement le député Ziad Assouad. Le fait de l’avoir désigné pour le prochain scrutin municipal a divisé les voix aounistes ». À l’heure d’aller sous presse, les négociations interaounistes pour unifier les rangs étaient toujours en cours.
Donc, selon cet observateur, les électeurs chrétiens à Jezzine seront divisés dimanche en trois blocs : les pro-Aoun, les anti-Aoun et les proches des Azar.
Quid de la base d’Edmond Rizk ? Selon une source proche de l’ancien ministre, celui-ci appuie la liste menée par Khalil Harfouche, « mais il a laissé à sa base la liberté de vote ». Les Forces libanaises soutiennent également la candidature de M. Harfouche, comme elles l’avaient annoncé récemment dans un communiqué. Quant aux Kataëb, ils auraient eux aussi laissé à leur base, dont les voix sont dispersées entre les deux parties en lice, la liberté de vote, « le parti n’ayant pas pris une position claire dans ce cadre ». Quatre candidats pour la partielle
En ce qui concerne la partielle, quatre candidats s’opposeront dimanche pour le siège laissé vacant après le décès de Michel Hélou : Ibrahim Azar, fils de l’ancien député Samir Azar, qui serait appuyé par le mouvement Amal ; Amal Abou Zeid, homme d’affaires ayant réussi, candidat officiel du CPL, soutenu également par les Forces libanaises et les Kataëb ; Salah Gebran, ancien commandant en chef de la gendarmerie, qui était proche du CPL, aujourd’hui indépendant ; et Patrick Rizkallah, un dissident du CPL qui s’était opposé au processus suivi pour élire Gebran Bassil à la tête de la formation, lui aussi indépendant.
Selon l’observateur, « les habitants de Jezzine ont toujours voulu avoir deux députés maronites issus de la localité même ». Comme feu Michel Hélou était originaire de Jezzine, ils souhaiteraient donc que le nouveau député soit de la localité. « C’est sur ce point que mise Ibrahim Azar, puisqu’il est le seul originaire de la bourgade », avance la source qui suit de près la situation.
Comment pourraient se répartir les voix de l’électorat à Jezzine (près de 58 000 inscrits aux listes électorales et quelque 23 000 électeurs) ? La source estime que l’électorat ne sera pas très motivé, puisque tout se joue au niveau des chrétiens. Selon son pronostic, Ibrahim Azar récoltera le plus grand nombre des voix des chrétiens de la ville même de Jezzine, ainsi que la majorité des voix du mouvement Amal, qui pourrait également accorder ses voix à Salah Gebran. Amal Abou Zeid aura les voix des chrétiens en général et probablement celles du Hezbollah. M. Edmond Rizk ne se sentant pas très concerné par cette partielle, d’autant que le Parlement est « en vacances » et que des législatives devraient se tenir dans dix mois, il a laissé la liberté de vote à sa base. Le CPL émet toutefois des appréhensions concernant le vote chiite. Un cadre haut placé a indiqué à L’Orient-Le Jour que le courant redoute que Patrick Rizkallah n’ait recours à des manœuvres pour diviser l’électorat aouniste. Le CPL craint aussi qu’il n’y ait un forcing de la part du chef du mouvement Amal, Nabih Berry – qui avait déclaré laisser la liberté de vote à sa base –, en faveur d’Ibrahim Azar. Dimanche soir, les urnes le diront.