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Joumblatt à « L’OLJ » : Qu’attendent donc les parlementaires pour légaliser le cannabis ?

En l’absence d’une volonté politique d’éradiquer la culture de haschisch, Walid Joumblatt, député du Chouf et chef du PSP, invite pour la énième fois les autorités, à travers « L’Orient-Le Jour », à légaliser de manière règlementée la culture et la consommation de haschich.

Anne-Marie El-HAGE

En décembre dernier, le député Walid Joumblatt lançait un nouvel appel aux autorités : « Il est temps d’autoriser la culture de haschisch et d’annuler les mandats d’arrêt contre les personnes recherchées à ce niveau. » C’était le 13 décembre 2014 sur son compte Twitter.
M. Joumblatt, connu pour son franc-parler, n’en est pas à sa première tentative. « Je le répète depuis un an déjà : cultiver le haschisch est une formule de relève économique pour la Békaa, pour Baalbeck et pour le Hermel », affirme-t-il, dans une interview à L’Orient-Le Jour.
Pour le député du Chouf, la culture de haschisch, et pas seulement à des fins thérapeutiques, est « le meilleur substitut, le seul moyen de survie » d’une région minée par l’exode rural vers la capitale. Dénonçant « les terribles conditions de vie » dans cette partie du pays, où « les personnes recherchées sont nombreuses » et « la criminalité importante à cause de la pauvreté », il assure que les habitants de cette région « n’ont pas d’autre revenu, n’ayant pas émigré en Afrique ou dans le Golfe », contrairement à d’autres Libanais. Quant aux cultures de substitution mises en place dans le cadre d’un programme d’éradication de la culture du cannabis, à l’époque où feu Rafic Hariri était Premier ministre, il constate leur « lamentable échec ».

Criminels à Roumieh
Mais qu’en est-il des effets néfastes de la consommation récréative du haschisch ? « Je n’en vois pas les effets dévastateurs, répond-il franchement. Surtout s’il est comparé aux pilules qui font des ravages, créées par certains milieux politiques pour détruire moralement des sociétés », précise-t-il, laconique. Ce qu’il condamne par contre, c’est que des consommateurs, dont une tranche de la jeunesse libanaise, « se fassent attraper pour possession de quelques grammes de cannabis. Ils sont emprisonnés à Roumieh où ils deviennent de véritables criminels », dit-il, déplorant la démesure de la sentence et les conséquences dramatiques qu’elle entraîne.
La campagne de Walid Joumblatt entend bien « réveiller la classe politique de sa torpeur » et pousser les autorités « à réformer les lois ». « Qu’attendent donc les parlementaires ? demande-t-il. Il est dommage qu’au Liban, on fasse de la haute politique au lieu de s’intéresser aux problèmes du citoyen. » Quant à la capacité des autorités à réglementer la culture, il n’en doute pas. « Lorsque l’État décide de s’y mettre, il le fait bien, comme il l’a fait dans sa lutte contre les cellules terroristes ou à la prison de Roumieh. »

« Leçons d’en haut »
Dans cet esprit, M. Joumblatt assure que la culture du haschisch est « une tradition ancestrale au Liban ». Il rappelle l’attitude permissive, à l’époque du président Fouad Chéhab, à l’égard des agriculteurs cultivant le haschisch. « Les raisons étaient purement économiques, en l’absence de grands projets de développement. » Il avance un autre argument de taille : « Dans certains pays occidentaux, la légalisation se fait lentement. Alors pourquoi diaboliser la culture de cannabis au Liban ? »
Le député ne manque pas de dénoncer à ce propos la position de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui considère le haschisch comme une drogue illicite et prône donc son interdiction : « C’est joli de donner des leçons d’en haut. Mais l’Onu parvient-elle à éradiquer les cultures en Amérique latine et le trafic vers l’Amérique du Nord, ou même les cultures au Maroc ? »
Walid Joumblatt persiste et signe. Il relance le débat pour l’autorisation réglementée de la culture et de la consommation de haschisch au Liban. Mais pour l’heure, la classe politique dans son ensemble ne semble pas vouloir se mouiller face à ce dossier tabou et délicat.