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Justice à l’israélienne

Lundi, un rapport d’enquête de l’Onu concluait qu’Israël a tiré sur sept écoles appartenant aux Nations unies durant la guerre de Gaza de l’été 2014, tuant 44 Palestiniens, dont des enfants, qui y avaient trouvé refuge. Dans une lettre, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, qualifie ces tirs d’« extrêmement graves » et se dit consterné par l’utilisation, par des groupes d’activistes palestiniens, d’écoles vides comme caches d’armes, une autre conclusion du rapport.

En septembre 2014, Human Rights Watch avait déjà conclu qu’Israël n’avait « fourni aucune explication convaincante » pour justifier ces frappes, l’accusant de crimes de guerre lors de l’opération Bordure protectrice, en juillet et août 2014. En décembre 2014, c’était au tour d’Amnesty International d’accuser Israël des mêmes crimes. Trois mois plus tard, la Fédération internationale des droits de l’homme enfonçait le clou.
Autant d’organisations qui ont condamné les tirs de roquettes palestiniennes contre des cibles civiles israéliennes, mais ont également souligné que le fait que les groupes palestiniens aient enfreint les lois internationales ne donne pas carte blanche à l’armée israélienne.

Après Bordure protectrice, la justice militaire israélienne a ouvert des dizaines de dossiers. Et en a refermé la grande majorité en moins de temps qu’il ne faut pour mener une enquête digne de ce nom. Finalement, seules cinq d’entre elles sont toujours en cours, notamment sur certaines attaques ayant visé les écoles de l’Onu et la mort de quatre enfants palestiniens, déchiquetés par un missile israélien sur une plage de Gaza.
Quelques heures avant la parution du rapport onusien, l’on apprenait que la justice militaire israélienne avait inculpé trois soldats israéliens pour des soupçons de pillage à Gaza. Deux d’entre eux sont accusés d’avoir volé 620 dollars dans un bâtiment de Chajaya. Dans ce quartier de Gaza ont eu lieu des combats et bombardements particulièrement meurtriers lors de Bordure protectrice. Le troisième soldat est accusé de complicité.

Mais ce n’est peut-être pas à l’Onu qu’Israël tentait de répondre, de manière préemptive. Le 1er avril, la Palestine a officiellement rejoint la Cour pénale internationale, se ménageant ainsi la possibilité de poursuivre des dirigeants ou des soldats israéliens pour crimes de guerre.
Israël n’a pas attendu que la Palestine devienne effectivement membre de la CPI pour lancer une contre-offensive, à base de menaces de poursuites contre des responsables palestiniens et de gel du transfert de millions de dollars de taxes collectées pour le compte de l’Autorité palestinienne.
Un autre moyen, plus subtil, de faire barrage à la menace que représente un recours palestinien à la CPI est l’ouverture d’actions en justice par Israël. Car la CPI ne peut se saisir de dossiers que si les crimes ne sont pas soumis à la justice nationale d’un État.

Or, le temps que toutes les voies de recours soient épuisées – y compris celles devant une Cour suprême peu réputée pour sa célérité à trancher ou rendre ses décisions exécutoires –, cette justice nationale ne devrait pas être rendue de sitôt.
Et lorsqu’elle le sera, reste à savoir pour punir quels crimes : après Plomb durci, en décembre 2008-janvier 2009, un soldat israélien avait été reconnu coupable du vol de la carte de crédit d’un Palestinien au cours de l’offensive, une affaire qui rappelle étrangement celle de Chajaya. Deux ans après Plomb durci, ce soldat était le seul à avoir été inculpé par la justice israélienne, notait HRW dans un rapport publié en avril 2010 sur le traitement des crimes de guerre commis par Israël et le Hamas.