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La chèvre de monsieur Nasrallah

À armes égales, la partie de ping-pong commence à devenir inacceptable et risible. Inacceptable, parce qu’il est temps que les ambassades d’Arabie saoudite et d’Iran cessent d’être les porte-parole de deux gauleiters, chacun déterminé à en finir avec l’autre, violant joyeusement ce qui reste des us et coutumes diplomatiques. Risible, parce qu’il est temps que le courant du Futur et le Hezbollah arrêtent de jouer (à qui perd gagne), qu’ils se souviennent qu’il y a un pays qui se noie : Games of Thrones (of Islam), c’est très bien à la télévision, pas dans la vraie vie ou au Moyen-Orient, encore moins au Liban.
Sauf que tout cela, bien sûr, n’est pas à armes égales. En aucun cas.
Hassan Nasrallah (se) rejoue Star Wars. Le secrétaire général du Hezbollah, à la tête d’un arsenal phénoménal, s’est livré vendredi, une nouvelle fois, une énième fois, à un exercice affligeant : prendre les Libanais pour d’irrécupérables crétins. Parce que M. Nasrallah se moque comme de sa première kalachnikov du peuple yéménite. Comme avant lui, du syrien. Comme, (trop) souvent aussi, de ses compatriotes. Ce qui le meut, ce à quoi il carbure, ce qui compte, c’est uniquement de concrétiser les tactiques iraniennes dans l’hinterland arabe et de rester le bras surarmé de ces ayatollahs dépassés par ce monde arabe, ses printemps avortés et sa daechisation. Tellement, que le stratégique, l’idéologie, la wilayet el-faqih et son cortège de vicissitudes ne sont plus, pour l’instant, qu’un détail.
Que veut exactement M. Nasrallah ? Botoxer à corps
(é)perdus le martyrologue déjà malheureusement surchargé du Hezbollah en envoyant ses hommes combattre et mourir en Syrie, en Irak, au Yémen ? Délibaniser son parti jour après jour pour le réduire à une antenne régionale de l’Iran, un exécuteur, aveuglément loyal ? Quant à l’intérieur, ce n’est plus de l’huile qu’il a jeté sur tous les feux dans son dernier discours, mais du méthane pur : en s’essuyant les pieds sur le wahhabisme, c’est la très grande majorité des sunnites libanais qu’il a insultée. Lesquels sunnites ne se gênent férocement pas, certes : eux aussi s’en donnent à cœur joie contre tout ce qui touche de près comme de loin à la République islamique d’Iran.
Sauf que, encore une fois, tout cela, cette course folle à la surenchère crétine et métastasée entrecoupée de séances de dialogue ubuesques, ne se joue pas à armes égales. D’autant que ce sentiment d’hyperprofonde injustice dont s’est plainte pendant des siècles, sans doute à raison, la communauté chiite libanaise, a totalement achevé sa translation, entamée effectivement en 2005 : le voilà aujourd’hui qui ronge du dedans l’autre grande composante de l’islam.
Que veut exactement M. Nasrallah ? Dynamiter le daechisme ? C’est heureux et bienvenu, mais qu’il le fasse donc comme l’Arabe résistant que génétiquement il est. S’en aller en guerre contre le sunnisme, de quelque nationalité qu’il soit? Libre à lui, dans ce cas, de se suicider si tel est son bon vouloir. Mais qu’il n’entraîne alors personne avec lui. Encore moins tout un pays qui ne lui a rien demandé.