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La crise régionale pèse de tout son poids sur l’unité nationale

 

Fady NOUN

La crise régionale pèse de tout son poids sur le Liban, ses institutions aussi bien que sa population. C’est tout l’avenir du pays qui est engagé. Le gouvernement, l’armée, le peuple – et la résistance – sont confrontés à une situation inédite pour laquelle il n’y a pas de solution toute faite : 23 soldats et agents de la sécurité pris en otage par un adversaire impitoyable qui fait fi de toutes les lois de la guerre et de la civilisation pour parvenir à son but.

Comment sauver nos soldats dans la dignité ? Tammam Salam est sans doute l’homme qui vit ce dilemme le plus cruellement, confronté qu’il est à une force brutale qui frise la barbarie, contraint par sa raison de penser et d’agir en homme d’État et par son cœur de tout faire pour sauver de précieuses vies humaines.
Le Premier ministre a quitté le Liban hier pour New York, dans le secret espoir qu’il y retrouvera le président turc ou le ministre des Affaires étrangères du Qatar, et avec eux quelque moyen inédit de faire pression sur les ravisseurs.
La brutalité des jihadistes n’est pas seule en cause. Le Hezbollah l’est aussi, d’une certaine manière, en prônant l’intransigeance, prenant ainsi le risque de voir les otages assassinés les uns après les autres. On parle même d’une opération de sauvetage que certains souhaitent voir lancée par l’armée dans le Qalamoun, sachant que les otages risquent, dans ce cas, d’être liquidés, sans compter les pertes humaines que cette attaque coûterait à la troupe. Mais c’est bien sûr à elle, et à elle seule, que la décision revient.

L’épouse du soldat Ali Bazzal, pour sa part, a fait preuve hier d’un héroïsme incroyable. Elle s’est rendue en Syrie pour y rencontrer les tortionnaires d’al-Nosra et obtenir d’eux que son mari, quatrième sur la liste des otages à liquider, soit épargné. Son courage a été récompensé. Elle a obtenu pour lui un sursis d’une semaine. Raffinement dans la cruauté.

Parmi les parents d’otages, certains menacent de prendre leur affaire en main. L’énorme pression que font peser les jihadistes commence à provoquer de sérieuses fissures dans la solidarité nationale. La perspective de l’apparition d’enlèvements et d’actes de vengeance privés est effrayante. Elle a en tout cas effrayé Walid Joumblatt, qui a soudainement changé de langage et n’écarte plus la nécessité de négocier. Entre le prestige de l’État et l’unité nationale, Walid Joumblatt et beaucoup avec lui ont fait leur choix. Des États beaucoup plus forts que le Liban ont négocié, pourquoi ne le ferions-nous pas aussi ? raisonnent les partisans de la souplesse. Et non de l’aplatissement.

Certes, la bataille engagée est aussi une question de nerfs et de moral. Elle exige cohésion et fermeté, voire dureté. Mais le moyen de faire taire les parents d’otages et de contrôler les médias qui répercutent leurs cris de peur, de douleur et de rage aux quatre coins du Liban ? Le moyen de les empêcher de paralyser le pays en coupant des routes d’intérêt économique névralgique, comme ils l’ont fait hier au col du Baïdar ? Le moyen de dire à une mère que son enfant doit mourir pour que la dignité de l’État soit sauvegardée et que des jihadistes prisonniers à Roumieh restent sous les verrous ? Deux logiques sont là, qui se contredisent.

À l’exemple de Walid Joumblatt, le parti Kataëb a senti le danger, et deux de ses principales figures, Samy et Nadim Gemayel, ont décidé d’aller en campagne pour s’informer, rassurer, mesurer exactement le menace qui guette, sans la surévaluer ni la sous-estimer. Bahia Hariri, elle, s’est rendue à Yarzé. Il est évident en effet que ce n’est pas le temps de dormir, mais de veiller, de réfléchir, d’agir. De resserrer les liens de la solidarité nationale.