Site icon IMLebanon

La fièvre syrienne

Parler d’une subite et prolifique éclosion d’atomes crochus entre vieux ennemis serait trop dire. Il faut bien constater, en revanche, que l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien a suscité une véritable frénésie de contacts diplomatiques, publics ou non, entre les divers protagonistes du conflit de Syrie.
Les troupes de Bachar el-Assad ne cessent de perdre du terrain, et ce processus paraît irréversible ; mais il serait illusoire de miser sur un départ rapide du dictateur de Damas. C’est sur ces deux postulats que reposent les actuelles tractations en vue d’un règlement par étapes de la crise syrienne. Au départ limité à l’Amérique, à la Russie et, de manière souterraine, à l’Iran, l’éventail des échanges s’est sensiblement élargi, ces derniers temps, avec l’entrée en scène de l’Arabie saoudite et… du régime baassiste lui-même.
Malgré les démentis officiels, il semble bien en effet que le général Ali Mamlouk, le barbouze en chef de Syrie, se soit récemment rendu au royaume wahhabite ; il s’y serait longuement entretenu avec l’émir Mohammad, fils du roi Salmane et ministre de la Défense, qui, dès le début de l’été, avait entamé une concertation quasi permanente avec la Russie. Peu après, c’est le ministre syrien des AE Walid Moallem qui débarquait à Oman, royaume du Golfe qui réussit le tour de force d’entretenir d’excellentes relations tant avec l’Iran qu’avec l’Arabie.
C’est à Moscou, lors d’une conférence de presse commune des chefs de diplomatie russe et saoudien, qu’apparaissaient au grand jour, hier, les points de désaccord entre les deux pays, mais aussi certaines similitudes de vues des plus intéressantes. Ainsi, Riyad ne se joindra en aucun cas à la coalition anti-Daech que tente de mettre sur pied le Kremlin, et dont ferait partie le régime Assad. Si le sort immédiat du président syrien demeure matière à discorde, c’est bien la première fois cependant que les Russes admettent en avoir débattu avec leurs interlocuteurs, quoique dans le cadre d’un règlement par étapes nécessairement étalé sur des années.
Encore plus significative est la nécessité, soulignée par le ministre saoudien, mais sans doute cautionnée par son homologue russe, que soit préservée plus tard, et dans tous les cas de figure, la cohésion de l’armée régulière syrienne. Judicieuse recommandation, quand on pense au chaos irakien qui a suivi la dissolution, par les Américains, de l’armée de Saddam Hussein. Sage recommandation, de même, quand on se souvient que la troupe régulière n’est pas seulement l’attribut premier d’un État (et plus encore, d’un État à refaire). Dans le contexte précis d’une Syrie livrée à des affrontements de nature passablement sectaire, l’armée de l’après-Assad est censée être aussi une garantie pour les minorités religieuses, notamment les alaouites qui sont en droit de redouter des représailles si leur actuel champion venait à décrocher.
Ce rôle fédérateur de la troupe, après tout formée de citoyens de toutes appartenances, n’est guère l’exclusivité de la Syrie de demain. Il est propre à tous les pays en proie aux rivalités religieuses. C’est ce que perdent de vue, en ce moment, certains Libanais qui, sous prétexte de défendre les droits des chrétiens, font un faux procès au commandement militaire, le dénigrent, appellent même à manifester, ce mercredi, contre lui.