Le « compromis des nominations militaires » a échoué. La fuite, mardi, dans la presse du document en neuf points, définissant ce compromis, a signalé la fin des médiations visant à le mettre en œuvre.
Réagissant le jour même à la diffusion du document, le chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, avait nié être au courant de la teneur de ce compromis. « Tout ce que nous avons demandé, c’est de nommer simultanément un nouveau commandant en chef de l’armée et un nouveau directeur général des FSI », avait-il déclaré. Précisant que son camp n’est pas adepte de formules de compromis, il avait été jusqu’à menacer de se retirer du dialogue national.
Le député du bloc aouniste, Farid el-Khazen, a précisé hier les raisons de cette hausse de ton. « Le compromis était en cours de finalisation, mais un litige persistait sur une clause particulière. La publication du document dans la presse a laissé entendre qu’un accord a eu lieu, ce qui n’est pas le cas », a indiqué le député à l’agence d’information al-Markaziya, déplorant le fait que le Courant patriotique libre soit pointé du doigt comme le détracteur d’un accord en réalité au stade de projet.
Il a laissé entendre que la fuite délibérée du document avait pour objectif de renvoyer au camp aouniste la responsabilité d’en entraver la mise en œuvre.
Il a ajouté que le CPL « ne manœuvre pas » comme les autres parties, et demande « soit une entente sur un package complet et équilibré, soit aucune entente. Notre position est une position de principe ».
Des éléments épars de cette solution d’ensemble sont révélés ponctuellement par les milieux aounistes. Le CPL conteste notamment la clause relative à la nomination aux postes vacants au sein du conseil de commandement de l’armée : au lieu de nommer cinq officiers au conseil de commandement, parmi lesquels ceux qui ont bénéficié d’un report de leur départ à la retraite (les généraux Jean Kahwagi et Walid Salmane), comme le prévoit la première clause du compromis, le CPL appelle à compter non pas cinq membres au sein du conseil de commandement (en vertu de la loi sur la défense de 1979) mais huit (en vertu du décret-loi 102 de 1983). La référence au décret de 1983, qui n’a pas encore été suivi de décrets d’application, est contesté.
Il reste que pour le CPL, l’élargissement du nombre de membres du conseil devrait ainsi permettre aux trois généraux de brigade (amid), dont le général Chamel Roukoz, qui auraient bénéficié d’un avancement au grade de général de division (liwa’), (deuxième clause de l’accord) d’intégrer le conseil de commandement. Alors que la troisième clause prévoit de confier au commandant en chef de l’armée la désignation du poste du général Roukoz après son avancement au grade de général de division, le CPL refuse « tout avancement sans poste ».
Ces demandes, qui restent circonscrites aux nominations militaires, constituent l’essentiel de la solution d’ensemble voulue par le CPL. Il conteste en effet tout compromis entre les nominations sécuritaires et la redynamisation institutionnelle (la formule avait prévu une relance de l’exécutif, du législatif et le maintien du dialogue national). C’est précisément la perspective d’une modification du mécanisme de prise de décision au sein du cabinet (substituer à l’unanimité le vote aux deux tiers), qui est rejeté par le CPL.
Ses milieux évoquent, au mieux, « la possibilité d’un retour au consensus souple », c’est-à-dire à un vote à la quasi-unanimité (même si la formule de consensus souple serait, selon certains observateurs, « vide de sens »).
En somme, et au-delà de la sémantique, les milieux du CPL jugent « inacceptable » de leur imposer la « condition » d’un changement du mécanisme du gouvernement sur le dossier des nominations.
Or c’est exactement ce que le 14 Mars et les centristes ont pour objectif : obtenir une garantie pour une relance durable de l’exécutif, sans laquelle rien ne serait concédé au CPL.
L’opposition à l’avancement des militaires, déclarée par sept ministres (les ministres relevant de l’ancien président de la République, les ministres Kataëb et le ministre Achraf Rifi), auxquels se seraient joints trois ministres indépendants (selon une source autorisée), a ainsi servi, sciemment ou non, de forcing pour amener le CPL à concéder un assouplissement du mécanisme de l’exécutif.
Le nombre des ministres réfractaires au compromis des nominations empêchant tout consensus sur les nominations en Conseil des ministres, le seul moyen de l’avaliser aura été le passage au vote aux deux tiers. L’acceptation de ce mécanisme de vote pour les nominations militaires signifierait sa généralisation éventuelle aux décisions qui suivront. C’est ce qu’avaient défendu les ministres du Futur, ainsi que les ministres qui désapprouvent les nominations en question.
Un forcing que le CPL aurait fortement désapprouvé : il semble se soucier autant d’assurer la place du général Chamel Roukoz au sein de l’armée, que de maintenir sa capacité de blocage de l’exécutif.
C’est dans ce contexte que le général Michel Aoun a invoqué une nouvelle fois la perspective de son retrait du dialogue. Une ardeur que le Hezbollah aurait néanmoins calmée, assure une source autorisée. D’ailleurs, « rien n’a encore été tranché », affirment des milieux aounistes. Leur attention se focaliserait sur le rassemblement du CPL, le 11 octobre, à Baabda.
En attendant, le 14 Mars aurait choisi de transposer sa méthode de contre-blocage à la table de dialogue national. Selon une source autorisée, le 14 Mars aurait prévu, à son tour, de suspendre sa participation au dialogue, si les autres participants décidaient, comme certains le souhaitent, de passer outre la clause sur la présidentielle et d’examiner les autres points à l’ordre du jour, relatifs notamment à la relance du législatif et de l’exécutif.