À la faveur d’une décision politique unanime, le Parlement a (enfin) réussi, lors d’une longue séance tenue hier, à approuver la grille des salaires promise aux fonctionnaires et enseignants du secteur public depuis 2012, même si le plus dur reste à faire. C’est-à-dire le financement de cette grille (au moyen, notamment, d’une série de mesures fiscales). Celui-ci sera au centre d’une nouvelle réunion parlementaire prévue ce matin, à 11 heures.
Mieux encore : les parlementaires ont majoré les salaires des enseignants du secteur public de six échelons. Mais au terme d’un long débat, il a été décidé que cette augmentation significative devrait également toucher les enseignants du secteur privé, en vertu du principe de traitement égalitaire entre les deux secteurs, respecté depuis des années.
À l’instar des revendications chroniques des enseignants et des fonctionnaires, les députés ont répondu favorablement aux demandes des militaires et fonctionnaires à la retraite. Ils ont en effet approuvé une majoration des indemnités dans une proportion de 85 %. Mais à ce stade, un point important est à relever : cette majoration des indemnités sera échelonnée sur trois ans, et répartie comme suit : une proportion de 25 % sera accordée en 2017 et 2018, et 35 % en 2019.
Si les séances parlementaires de mars dernier se sont soldées par une interruption soudaine des discussions autour de la grille des salaires, notamment en ce qui concerne les sources de financement de cette échelle, les différentes formations politiques sont désormais conscientes des retombées de l’échelle des salaires sur une économie aussi fragile que la nôtre. D’autant que l’ancien Premier ministre Fouad Siniora a mis hier en garde contre un éventuel « déséquilibre » que pourrait créer la grille (dont le montant est estimé à 1 300 milliards de LL) au sein de la société.
C’est ainsi que le Parlement a entièrement consacré sa séance tenue dans l’après-midi à un long examen de nombreuses réformes, à même de réduire les dépenses de l’État, pour lui permettre de répondre aux répercussions de la grille des salaires sur l’économie nationale. Les députés des différents blocs parlementaires se sont donc entendus pour charger le gouvernement (le ministère d’État pour le Développement administratif et le Conseil de la fonction publique) de mener une étude définissant les besoins des administrations publiques, afin de tenter de dégraisser celles-ci, et réduire par la même occasion les dépenses de l’État. Mais plus loin qu’une simple mesure administrative, il s’agit là, pour d’aucuns, d’une sérieuse tentative de mettre un terme au gaspillage et financer la grille des salaires.
Il est à noter, dans ce cadre, qu’un paragraphe portant sur la nécessité d’« arrêter l’embauche de fonctionnaires, sous toutes ses formes, pour deux ans » a été supprimé, alors que le ministère a été appelé à mettre en place une description d’emplois, dans un délai de six mois, dans le cadre d’une modernisation de la structure de l’administration. Il devrait en présenter un rapport détaillé au gouvernement et au Parlement. Une proposition à laquelle le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a répondu par un appel à confier cette mission à des consultants spécialisés, à l’heure où certains députés, comme Nawaf Moussaoui (Hezbollah), a dénoncé une « tentative de paralyser le gouvernement (en matière de recrutement), sachant que 70 % des postes sont vacants ». Nombre de ses collègues (dont Ali Ammar) ont mis en garde contre une aggravation du fléau du chômage parmi les jeunes.
Les vacances judiciaires
Les réformes votées hier soir ont également touché les vacances judiciaires. À la demande du ministre concerné, Salim Jreissati, il a été convenu qu’il appartient au Conseil supérieur de la magistrature et à la Cour des comptes de fixer les dates de ces congés (d’un mois et demi) entre le 15 juillet et le 30 septembre inclus. À leur tour, les heures de travail hebdomadaires des fonctionnaires sont passées de 32 à 35 heures, réparties de la manière suivante : de 8h00 à 15h30 du lundi au vendredi (les fonctionnaires musulmans devant bénéficier de deux heures pour la prière les vendredis).
Si le bilan de la séance d’hier a été salué comme positif, le nœud du financement de la nouvelle grille des salaires reste à défaire. D’autant que le Premier ministre, Saad Hariri, a déclaré sans détour qu’« il n’y aura pas de grille sans ressources correspondantes ». Ce point avait, d’ailleurs, déclenché un violent échange verbal entre le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, et Ibrahim Kanaan, président de la commission des Finances et député aouniste du Metn.
À l’heure où M. Kanaan se félicitait des réalisations de la commission, dans la mesure où le contrôle parlementaire qu’elle a effectué sur le projet de budget 2017 a permis de dégager une somme de mille milliards de livres libanaises, qui pourrait facilement financer la grille des salaires, M. Khalil a qualifié ces propos de « plaisanterie ». Le mot a provoqué l’ire de M. Kanaan, qui s’est empressé de répliquer qu’il s’agissait du fruit d’un long travail. C’est alors qu’est intervenu Ahmad Fatfat (Denniyé, courant du Futur), demandant à son collègue aouniste de « laisser tomber cette question, qui ressemble à “l’impossible quitus” » (du nom de l’ouvrage publié par le CPL, il y a quelques d’années, pour stigmatiser « la corruption » du camp Hariri). Une allusion au compromis autour de la présidentielle conclu entre Michel Aoun et Saad Hariri, en dépit de toutes leurs divergences politiques.
Ersal…
Lors de la séance tenue en matinée, les intervenants ont abordé la question de la récente polémique autour du décès de quatre Syriens arrêtés par l’armée, à l’issue de son opération du 30 juin dans le jurd de Ersal. À l’heure où l’écrasante majorité des députés ont exprimé leur soutien indéfectible à l’institution militaire en guerre contre le terrorisme, Khaled Daher, député du Akkar, a ouvertement appelé le gouvernement à démettre de ses fonctions le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf. M. Daher qui a plaidé pour une « enquête transparente », au sujet du décès des quatre Syriens, a estimé que « l’armée défend aujourd’hui une milice (le Hezbollah), refusant que l’institution militaire prenne part à des batailles extérieures, qui ne sont pas dans l’intérêt du pays ».
Ces déclarations de M. Daher ont suscité de vives réactions, aussi bien chez le président de la Chambre, que de la part d’Émile Rahmé, député de Baalbeck-Hermel, qui a clairement fait valoir que l’armée est une « ligne rouge ». De son côté, Samy Gemayel, a stigmatisé les raids de l’aviation syrienne contre Ersal et s’est interrogé sur une éventuelle coordination entre les troupes des deux pays. Mais Saad Hariri a assuré qu’une telle coordination n’existait pas.