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La grogne sociale monte à l’aune de l’examen du projet de budget

 

Jeanine JALKH |

C’est une impression de lassitude et de déjà-vu que laisse l’examen des nombreux blocages auxquels se trouve actuellement confronté le nouveau régime.
Que ce soit au plan de l’élaboration d’une nouvelle loi électorale à l’approche des échéances, ou la question de savoir encore et toujours comment financer l’échelle des salaires des fonctionnaires, un problème revenu en force au menu des débats insolubles, les crises recommencent à poindre à l’horizon et avec elles la menace de reproduire inlassablement la paralysie, le vide, ou la énième mobilisation de la rue.
Alors que se déroulait encore la réunion du Conseil des ministres qui planchait sur la loi du budget et sur la sempiternelle question de savoir si le financement de l’échelle des salaires devait être inclus ou non dans le budget, le syndicats des enseignants est monté au créneau hier en appelant l’ensemble des fonctionnaires concernés à un sit-in mercredi prochain à 15h30 à la place Riad el-Solh, à l’heure prévue pour la deuxième réunion du Conseil des ministres de cette semaine.
Réunis une nouvelle fois pour débattre du projet de budget, les membres du gouvernement ont écouté les plus infimes détails que leur a livrés le ministre des Finances sur les moyens d’alimenter les revenus de l’État, les nouvelles taxes à prévoir et leur utilité, d’autant que celles-ci pourraient être un moyen de résoudre le problème du financement de l’échelle des salaires.
D’ores et déjà, les critiques autour des mécanismes envisagés en matière de budget en Conseil des ministres ont fusé : les instances économiques ont reproché au gouvernement l’augmentation des dépenses de 7 à 8 % et un accroissement prévisible des taxes qui risquent d’épuiser le citoyen et de ralentir la dynamique économique.
L’économiste Élie Yachoui a fait valoir pour sa part l’absence de vision économique dans le processus d’examen du budget, le gouvernement n’ayant pas pris en compte les difficultés sociales, encore moins l’efficacité des taxes et impôts envisagés, a-t-il indiqué.
Certains observateurs s’étonnent d’ailleurs de voir la campagne de la lutte contre la corruption se réduire à de simples slogans au moment où la solution au déficit de l’État consiste précisément à mettre fin à l’hémorragie provoquée par les affaires politiques qui saignent, depuis des années, les caisses de l’État. Le président de l’Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas, a été plus loin encore, en qualifiant, dimanche, le ministère d’État pour la lutte contre la corruption de « Donquichottesque ». Une remarque qui lui a valu une réplique immédiate et tout aussi acerbe du ministre concerné, Nicolas Tuéni, qui lui a rappelé son pseudonyme d’« Abou Rakhoussa » scandé par le mouvement de contestation civil, avant de lui signifier que ceux « qui profitent de la corruption ne sont en définitive que les détenteurs des grands capitaux ».
Le débat autour du budget a presque fait oublier la pression de l’échéance électorale et l’urgence de trouver un terrain d’entente autour du mode de scrutin à adopter et de la taille des circonscriptions, un marchandage loin d’être tranché à ce jour.
Après la signature, par le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, du décret de convocation des collèges électoraux que doivent en principe contresigner le Premier ministre, le ministre des Finances et le chef de l’État, ce dernier a clairement fait savoir hier qu’il s’abstiendra, comme il l’avait préalablement déclaré.
Dans le cadre des débats lancés au sujet de la constitutionnalité de ce refus, l’ancien député Salah Honein estime que le président « ne peut se dérober au contreseing d’un décret ordinaire », alors que les milieux de Michel Aoun affirment le contraire, faisant valoir un autre argument d’inconstitutionnalité, celui du principe de l’inégalité des citoyens générée par la loi de 1960.
Selon les sources proches de Baabda, l’attachement du président à ne pas avaliser ce décret ne saurait être considéré comme une « obstination » de la part du président mais exprime « un choix lucide soutenu par la majorité des parties en présence ».
Autre débat légal et procédural, celui né de la question des délais, certains responsables, dont le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, ayant évoqué des « lignes rouges » en matière de délais électoraux, alors d’autres, comme Marwan Hamadé, préfèrent parler de « délai d’incitation et non d’expiration ». Salah Honein va dans le même sens, en considérant que le Parlement aura jusqu’à 23h59 le 20 juin prochain pour adopter une nouvelle loi. Dans les milieux de Baabda, on considère que le dernier délai pour l’adoption d’un nouveau texte expire le 21 mars prochain, la marge de manœuvre restant assez flexible. Pas de panique donc, et l’heure est toujours à l’optimisme dans ces milieux.
Entre-temps, les Franco-Libanais ont pu être un tant soit peu rassurés, en écoutant hier Marine Le Pen affirmer que la rétroactivité de la suppression de la double nationalité n’a pas été tranchée. Une position qui semble confectionnée sur mesure pour le public libanais, sachant que la candidate à la présidentielle française avait été plus catégorique à ce sujet sur les médias français avant sa visite promotionnelle au Liban.