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La guerre des juges

 

La nouvelle n’a pas fait grand bruit, mais il faut espérer qu’elle aura tout de même des suites, du moment qu’il faut un commencement à tout. Depuis lundi sont réunis à Paris des représentants de 34 pays d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et du Proche-Orient, ainsi que d’organismes de l’Onu, pour tenter de renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme. Pour la première fois, ce ne sont pas des généraux, des superflics et autres maîtres-espions qui se concertent sur la question, mais, pour l’essentiel,… de paisibles magistrats.

Ne souriez pas trop vite. Qu’il s’agisse en effet du démantèlement des filières jihadistes, des modes de financement du terrorisme, de la surveillance des suspects, de la prévention de l’endoctrinement dans les centres pénitentiaires ou encore de l’expulsion d’éléments indésirables, la force publique n’y suffit pas à elle seule : c’est dans l’arsenal juridique qu’elle est souvent obligée de puiser. C’est vrai hélas que maints États pourtant conviés à ces assises se soucient comme une guigne, chez eux, des libertés publiques ; il en va autrement cependant des sociétés occidentales confrontées, chaque jour avec plus d’acuité, à cet angoissant dilemme : une protection accrue implique-t-elle forcément moins de démocratie ?

Institué au lendemain des épouvantables attentats du 11-Septembre, le Patriot Act, par ses sérieuses atteintes à la vie privée des citoyens, n’a pas fini de susciter de vives polémiques aux États-Unis. Il n’en est pas question pour nous, pas plus que d’un FBI européen ou d’un quelconque changement des traités et des compétences en matière de souveraineté nationale, s’exclamait hier même le vice-président néerlandais de la Commission de l’UE. Il est bien connu pourtant que plus d’un pays du Vieux Continent réclame un renforcement – et même une systématisation – des contrôles aux frontières de l’espace Schengen de libre-circulation.

Que la France, durement éprouvée ces derniers temps et qui est en voie de se doter d’une nouvelle loi sur le renseignement, figure en tête du peloton révisionniste, ne devrait guère surprendre. Après Charlie Hebdo et un supermarché juif, après les chaudes alertes à l’islamophobie, ce sont deux églises qui ont échappé de peu à des attentats, ébranlant du coup le credo laïque de l’Hexagone. C’est ainsi que l’on a pu entendre le très socialiste et très républicain Manuel Valls évoquer les racines chrétiennes de la France. Tout comme on avait entendu, peu auparavant, le Britannique David Cameron louer, à l’occasion de la fête de Pâques, l’important rôle social que joue, au Royaume-Uni, l’Église anglicane.

C’est aux musulmans eux-mêmes, tout autant qu’aux juifs et aux chrétiens – non plus désormais les seuls chrétiens d’Orient –, que s’en prennent indistinctement les assassins qui, à leur manière, jouent la mondialisation. En fait d’œcuménisme, on pouvait rêver mieux.