En dépit de l’angoisse légitime des parents des otages militaires, chez qui les langues se délient de plus en plus pour réclamer que tout soit fait afin de faciliter la libération de leurs fils ; en dépit aussi de la claire inflexion dans la position du chef du PSP, Walid Joumblatt, qui a envisagé hier, pour la première fois, la possibilité d’un « échange » entre les otages et des détenus islamistes à la prison de Roumieh, l’option de l’affrontement entre l’État et les terroristes jihadistes de l’État islamique (EI, ex-Daech) et du Front al-Nosra paraît pour le moment inévitable.
C’est ce qui ressort essentiellement des propos tenus samedi par le Premier ministre, Tammam Salam, à sa sortie d’une entrevue avec le président de la Chambre, Nabih Berry, et avant la réunion sécuritaire qu’il devait diriger un peu plus tard au Grand Sérail.
En précipitant le meurtre du soldat Mohammad Hamiyé, les terroristes avaient, si l’on ose dire, facilité la tâche à M. Salam. Avant l’annonce de ce nouveau meurtre, il assistait en effet à la montée des divisions au sein de son cabinet autour des moyens qui devraient être mis en œuvre pour obtenir la libération des otages, certaines composantes du gouvernement plaidant pour que l’État mette de l’eau dans son vin et fasse écho positivement aux cris de douleur des familles des soldats retenus.
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Mais cet assassinat fait le jeu des radicaux du gouvernement – essentiellement le Hezbollah et le CPL – qui ne veulent entendre parler d’aucune forme de bazar avec Daech et al-Nosra. Le Hezb a d’ailleurs été ouvertement accusé hier par une partie des familles d’otages d’entraver les efforts en cours pour les libérer.
D’un point de vue purement technique, souligne-t-on dans les milieux qualifiés, il est très difficile pour l’État libanais d’entériner l’idée d’un échange pur et simple avec les détenus islamistes de Roumieh. Parmi ceux-ci, il y a des condamnés qui ne peuvent être libérés que suite à une grâce présidentielle ou à une amnistie spéciale votée par la Chambre. Or, il n’y a guère de président à l’heure actuelle au Liban et bien d’eau coulera sous les ponts avant que le Parlement soit en mesure de se réunir pour voter une telle amnistie.
Le gouvernement continue donc de se rabattre, sans se faire trop d’illusions, sur les efforts indirects menés par le biais du Qatar en espérant que la tentation financière induite par la présence d’un tel médiateur puisse faire son effet.
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Dans l’intervalle, l’attention restera rivée sur la Békaa-Nord, et en particulier sur cette « zone de guerre » adjacente du Qalamoun syrien – censé avoir été « nettoyé » l’hiver dernier – et qui couvre un périmètre s’étirant en longueur des hauteurs de Ersal jusqu’à Khraybé. C’est à proximité de ce village qu’un attentat à l’explosif a été perpétré samedi soir contre une position du Hezbollah. Comme on pouvait s’y attendre, les détails de cette attaque demeurent parfaitement obscurs, la presse n’ayant été autorisée à visiter le site qu’hier après-midi.
Sur le plan politique, et alors que le Premier ministre s’apprête ce lundi à se rendre à New York pour prendre part à l’Assemblée générale de l’Onu, les tractations en cours en vue d’un accord sur la tenue d’une séance législative du Parlement semblent avoir sérieusement progressé. Une réunion du bureau de la Chambre aurait lieu dans les prochains jours afin de préparer cette séance, qui devrait être consacrée uniquement aux dossiers urgents, à l’instar de la grille des salaires dans le secteur public.
D’aucuns voient déjà dans ce possible déblocage la perspective d’un marché incluant, en premier lieu, la prorogation de la législature puis, peut-être, le règlement de la crise présidentielle.