Pour complaire à ses alliés politiques (et par-delà ceux-ci à l’Iran), il nous a mis à mal avec les royaumes pétroliers du Golfe, compromettant gravement ainsi la situation des expatriés libanais qui y cherchent subsistance. Il nous a attiré du même coup les critiques (ou pire encore, la commisération) d’une Ligue arabe quasi unanime à condamner les menées subversives de Téhéran. Et le voilà maintenant qui veut croiser le fer avec la terre tout entière, qui snobe cavalièrement le secrétaire général de l’Onu en visite la semaine dernière à Beyrouth, qui, sortant un nouveau dada de sa besace, crie au complot universel à l’implantation.
Le ministre des Affaires étrangères a trouvé un filon, mais il n’a pas découvert la poudre. Il y a longtemps déjà que cette épée de Damoclès se balance au-dessus de nos têtes (en l’air), qu’elle plane sur nos querelles de peuplades incapables de se fondre en un peuple. Or qu’il s’agisse aussi bien des réfugiés palestiniens que des Syriens, un effort de mémoire est requis de Gebran Bassil, chef d’un courant politique qui, après maintes cabrioles, s’aligne clairement aujourd’hui sur l’axe syro-iranien.
Au fil des guerres, Israël a chassé les Palestiniens de leurs foyers ; mais c’est bien la Syrie baassiste qui, des décennies durant, n’a cessé d’armer les réfugiés des camps et de défendre leur prétendu droit à opérer à partir du Liban, au point d’en faire un véritable État dans l’État ; la suite, une guerre de quinze ans qui a dévasté le pays, le patron du palais Bustros devrait tout de même en avoir gardé quelque souvenir. Considérablement plus écrasante encore est la responsabilité de Damas – et de ses alliés – quant aux flots de réfugiés syriens qui ont déferlé sur notre petit pays, fuyant les barils d’explosifs largués sur les populations civiles et les horreurs du nettoyage ethnico-sectaire. Et si le Liban s’avère incapable de gérer ce brûlant dossier, c’est parce que la sape systématique des institutions (le ministre devrait être le premier à le savoir) a empêché l’émergence d’une autorité de référence en la matière.
Voilà pour le palmarès politico-diplomatique. Restait le test du culturel, et c’est avec le plus franc insuccès qu’il vient d’être passé. En la désespérante absence de tout président de la République (une réalisation de plus pour le parti du ministre et ses amis), un ministère des AE convenablement pourvu aurait très bien pu faire office de devanture, de vitrine libanaise donnant pleine vue sur l’extérieur. À défaut, les organisations internationales offrent une occasion inespérée aux petits pays de se faire entendre dans le concert des grands. Cette occasion est là, mais les casseurs de vitrines sont déjà à l’œuvre, et parmi ceux-ci on retrouve, en bonne place, l’inévitable, l’incontournable diplomate en chef.
On n’a rien contre la candidate à la direction générale de l’Unesco que soutiennent ces messieurs, si ce n’est que depuis une vingtaine d’années déjà, elle représente non pas le Liban, mais le minuscule paradis fiscal caribéen de Sainte-Lucie, bien connu de plus d’un baron local de la finance. Non, on n’a rien contre cette spécialiste des relations internationales, habituée des allées de l’Unesco, si ce n’est que parmi les aspirants au poste il y a mieux : qu’il y a encore plus expert, plus prestigieux, plus méritant. Et surtout plus effectivement, plus authentiquement, plus charnellement libanais, en la personne d’un Ghassan Salamé boudé par les responsables et que nous envient pourtant bien des nations.
Dans le terne Liban des petites pointures, péché de grandeur ne pardonne visiblement pas…