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La nouvelle liste noire de Damas : Rifi, Bou Faour, Fatfat, Merhebi

 

À l’heure où le dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur avance dans le but supposé de décrisper la situation et d’éviter tout dérapage, au moment où le Tribunal spécial pour le Liban poursuit ses travaux pour faire la lumière sur l’attentat qui a coûté la vie à Rafic Hariri, Bassel Fleyhane, leurs compagnons et plusieurs victimes innocentes, et où la communauté internationale répète à longueur de journée, par le biais de ses représentants au Liban, qu’il existe un « parapluie sécuritaire » protégeant le pays, la crainte de nouveaux attentats visant des personnalités politiques refait pourtant surface. Et il ne s’agit pas, cette fois, de ces spéculations véhiculées par une certaine presse pour terroriser le camp adverse, mais d’informations sécuritaires de la plus haute importance émanant de parties responsables.
Sur base d’un rapport sécuritaire établi par des services de sécurité compétents, le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a ainsi contacté hier quatre personnalités politiques pour les informer de données faisant état de tentatives d’assassinat en préparation contre elles. Il s’agit des ministres de la Justice, Achraf Rifi, et de la Santé, Waël Bou Faour, ainsi que des députés du bloc du Futur Ahmad Fatfat (Denniyé) et Mouïn Merhebi (Akkar) – une information vérifiée par L’Orient-Le Jour hier soir.
Selon les informations disponibles, « le régime syrien » projetterait en effet de se livrer à des tentatives d’assassinat contre ces quatre pôles, qui ont tous pris position en faveur de la révolution syrienne depuis 2011, et qui ont plus d’une fois critiqué les massacres commis par Bachar el-Assad contre le peuple syrien, affirme une source bien informée et concernée de près par cette affaire. Leur « crime » serait ainsi de « s’être ingérés » dans la crise syrienne.
De fait, toutes ces personnalités ont déjà été à diverses reprises dans le collimateur du régime syrien et de ses alliés depuis 2005, et ont depuis fait l’objet, à diverses reprises, de menaces et de pressions. L’une d’elles, farouche partisane de la révolution syrienne, affirmait d’ailleurs hier soir à L’Orient-Le Jour que ses gardes du corps avaient déjà réussi, il n’y a pas longtemps, à mettre la main sur une personne infiltrée qui surveillait ses faits et gestes et prenait des photos, à l’aide de son téléphone mobile, dans le périmètre de sa maison.
« Nous vivons dans l’odeur de la mort, affirme cette personnalité. Oui, nous avons été informés qu’il existe une volonté de nous liquider. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs. Mais à quoi bon en parler dans la presse ?
Vous pensez que cela va changer quoi que ce soit ? Vous pensez que quelqu’un va bouger ? Que quiconque va s’indigner ou se révolter ?
Nous sommes en quelque sorte condamnés, et personne ne fera rien. C’en est presque à regretter que tant de civils innocents soient morts en Syrie, dans l’indifférence totale de la planète, qui se gargarise de grands vocables comme la démocratie, les droits de l’homme et la dignité humaine, mais qui laisse faire depuis bientôt quatre ans, qui a décidé de fermer les yeux sur les massacres atroces commis par le régime syrien à l’encontre de son peuple. Nous avons été abandonnés, et je ne crois plus en rien. »

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Devant une telle résignation face à la fatalité, un tel nihilisme concernant la possibilité de briser l’interminable cycle de violence exercée sans aucun garde-fou par le régime Assad, avec la complicité générale de tous les pôles d’influence à travers le monde, les mots sont, plus que jamais, vains. « On ne laisse pas les gens mourir », disait-on à la fin du siècle dernier, lorsque le « monde libre » n’avait pas encore atteint le fond de la déshumanisation, et qu’il savait que l’ordre du monde, et donc sa propre sérénité, nécessitait surtout qu’il fasse preuve d’engagement et d’empathie à l’égard des peuples victimes d’une injustice.
C’est dur de renoncer à son héritage, de le réprimer, de l’abjurer, en arguant notamment que « tout cela, c’est loin et ça ne nous regarde pas ». Et pour cause : le refoulé finit toujours, violemment, par nous revenir en pleine figure. Combien de morts, de blessés et de déplacés en Syrie, et, par ricochet, au Liban et à travers la planète, faudra-t-il encore avant que le monde se redécouvre une conscience ?