IMLebanon

La peau dure

L’ÉDITORIAL

 

Dans le nouveau gouvernement on retrouve, sans allégresse excessive, plus d’un revenant, dont certains reprennent possession, en légitimes propriétaires, des mêmes départements où ils ont sévi des années durant. Parmi les trente, on trouve opportunément aussi des figures nouvelles ; avec l’enthousiasme des néophytes, ils se promettent – et nous promettent – de se mettre séance tenante au travail, de produire, de se rendre utiles. On ne demande évidemment qu’à les croire.

Remarquable, à ce propos, est l’engagement solennel du ministre de l’Information de transformer de fond en comble, sinon de saborder le domaine vermoulu qui lui échoit. D’être l’ultime détenteur d’un portefeuille archaïque, anachronique, obsolète, qui ne survit plus qu’à l’ombre des régimes autoritaires ; de faire de ce moulin à bourrer les crânes un espace moderne de dialogue. Ce plus jamais, Melhem Riachi n’est certes ni le premier ni peut-être le dernier à le prononcer ; son passé de journaliste, sa longue expérience en matière de communication au sein du parti des Forces libanaises l’autorisent-ils vraiment à lancer un pari invariablement perdu par ses prédécesseurs, dont certains, des plus respectables, étaient eux aussi animés des meilleures intentions ?

Le fait est que même dans sa version soft – le Liban n’est tout de même pas régi par une dictature –, la bête a la peau particulièrement dure, à preuve que même des ministres compétents (car il y en a eu quelques-uns) s’y sont cassé les dents. Le problème, ce n’est pas tant l’insipide vérité officielle qu’est chargée de répandre cette institution, dont l’audience est, de toute manière, fort réduite. Le problème, c’est d’abord l’incroyable pléthore de fonctionnaires qui, bénéficiant d’une protection politique, parasitent ces lieux et pratiquent massivement l’absentéisme.

Le problème, c’est ensuite l’incapacité viscérale, flagrante, notoire du ministère à superviser l’intense activité médiatique qui fait la richesse de notre pays mais, parfois aussi, sa honte, dès lors qu’est foulée aux pieds l’éthique professionnelle. Le même reproche peut d’ailleurs être adressé au Conseil supérieur de l’audiovisuel comme aux syndicats de la presse écrite. C’est dans la plus grande impunité que de véritables incitations au meurtre de personnalités politiques bien précises ont été publiées, il n’y a pas si longtemps, dans certaines feuilles partisanes. L’injure aux lèvres, trublions et bouffons de la politique font recette sur les plateaux de télévision, asticotés, aiguillonnés qu’ils sont, de surcroît, par des animateurs épris de sensationnalisme et rivalisant de provocation.

Que vienne effectivement à disparaître le ministère exécré, que soit institué un nouvel organisme de tutelle, le problème ne pourra que demeurer entier, dans un pays où la loi n’est plus la même pour tout le monde, où le chantage aux armes autorise tous les passe-droits. Séduisant est le projet du ministre Riachi. C’est la logistique cependant qui manque à l’appel : cela jusqu’à plus ample informé.