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La République en mode « pause » pour la fête du Fitr

 

 

Jeanine JALKH

 

C’est dans un climat de haute tension et d’appréhension certaine que la communauté musulmane se prépare à célébrer, dans quelques jours, la fête du Fitr, au lendemain des attentats-suicide qui ont secoué le village de Qaa et, avec lui, l’ensemble du pays.

Si la paranoïa qui s’est saisie des Libanais commence à peine à se dissiper, la vigilance semble de retour au niveau des forces de l’ordre. Les spectacles de terreur en Turquie, au Bangladesh et, hier, en Irak – où les jihadistes de l’État islamique et ses acolytes sévissent – ne sont pas pour rassurer la population.

Au Liban, et comme après chaque attentat qui vient réveiller les vieux démons et révéler des failles aux niveaux sécuritaire et des renseignements, les rafles et perquisitions se multiplient à un rythme effréné aux quatre coins du pays. Les réactions musclées sont venues se substituer, une fois de plus, à une véritable stratégie de défense préventive, destinée à colmater les brèches sécuritaires et prévenir, dans la mesure du possible, l’infiltration des bombes humaines.

Après la valse d’informations débridées et contradictoires sur l’itinéraire emprunté par les kamikazes de Qaa, accompagnée d’une série d’analyses sur les motifs et objectifs réels des jihadistes, place au mutisme ; une telle option est préférable aux « rumeurs » et à « l’instrumentalisation politique » d’un sujet aussi sensible, estime-t-on dans les milieux sécuritaire et militaire.

Le retour du cauchemar des attentats-suicide, après un répit qui aura duré près de huit mois (le dernier en date avait eu lieu dans la banlieue de Bourj Brajneh en novembre 2015), a relancé le débat sur l’échéance présidentielle et son « urgence », à la lumière de la dégradation sécuritaire.

Les arguments en faveur de l’élection d’un chef de l’État ont repris, de même que les élucubrations autour d’un « espoir accru », selon certains, « maigre, voire inexistant pour l’heure », selon d’autres, de voir un dénouement prochain à ce dossier épineux.

Certaines sources citées par l’agence al-Markaziya ont été jusqu’à évoquer une rencontre à Paris entre le candidat « haririen » à la présidence, le chef des Marada, Sleiman Frangié, et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane. Une information formellement démentie hier soir par les milieux proches du député.

La récente rencontre par ailleurs entre le chef du courant du Futur Saad Hariri – invité samedi à un iftar par le roi saoudien, Salman ben Abdel Aziz – et le chef des FL, Samir Geagea, n’aura rien donné de plus qu’une réaffirmation de la « nécessité du rapprochement » entre les deux formations et leur préférence pour le système électoral mixte. Aucune entente n’aura émergé au plan de la présidentielle, le « courant du Futur n’étant toujours pas chaud à l’idée de l’élection de Michel Aoun » (le chef du bloc du Changement et de la Réforme), confie une source proche des FL. Cette dernière a tenu à rappeler la « logique » défendue par M. Geagea devant Hariri, à savoir que « l’option de l’élection de M. Aoun reste préférable au vide dont les conséquences sur les plans politique, économique et sécuritaire commencent à peser lourd dans la balance ».

Il faudra donc attendre la visite à Beyrouth du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, les 11 et 12 juillet, pour espérer voir cette échéance remise sur le tapis et la dynamique internationale relancée dans cette direction, notamment avec l’arrivée de la nouvelle ambassadrice des États-Unis, Élisabeth Richard, prévue dans les prochains jours.

C’est, entre-temps, un dossier tout aussi délicat qui s’est invité dans ce paysage politico-sécuritaire de plus en plus incertain : le dossier du forage pétrolier. Un sujet qui semble avoir surgi comme un diable de sa boîte, après avoir été enfoui durant près de trois ans dans les tiroirs, suscitant des doutes aussi bien au niveau de son timing que sur le plan de sa gestion. Car c’est à un accord de principe sur le calendrier des travaux au niveau des blocs de forage que seraient parvenus le président du Parlement, Nabih Berry, et le chef du CPL, Gebran Bassil. Un accord qu’ils ont conclu en l’absence du ministre de l’Énergie concerné, et préalablement à la réunion de l’exécutif, l’autorité censée gérer ce dossier.

Les interrogations sur cette rencontre-surprise n’ont pas manqué de susciter, selon des sources ministérielles citées par l’agence al-Markaziya, « la crainte d’un retour en force des fromagistes », ce qui a incité le chef du PSP, Walid Joumblatt, à faire le commentaire suivant dans un tweet : « Le plus important est de s’assurer de la gestion légale et financière de ce dossier, ainsi que de sa transparence. » « Nous ne voulons pas d’un nouveau Janné (en référence à la polémique sur le barrage en construction) », a-t-il ajouté.

Désormais érigée en coutume, l’unanimité politique à assurer autour de ce dossier, et de tout autre dossier qualifié de « sensible », avant même la tenue du Conseil des ministres, dictera, une fois de plus, la date de la réunion du cabinet, destinée à examiner et trancher les décrets se rapportant au forage pétrolier.

Entre-temps, le gouvernement, en congé quasiment toute cette semaine pour les célébrations du Fitr, ne se réunira qu’à partir du 12 juillet avec à l’ordre du jour des « dossiers d’ordre financier ».