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La société civile a donné 72 heures au gouvernement pour réagir, sinon…

 

Le collectif « Vous puez ! » compte recourir à l’escalade à partir de demain, mardi, si ses principales revendications, notamment la démission du ministre de l’Environnement et l’enquête sur les tirs contre les manifestants, continuent d’être ignorées par le gouvernement.

Suzanne BAAKLINI 

La manifestation organisée par le collectif « Vous puez ! » samedi au centre-ville était « historique » : tel est le mot employé par Lucien Bou Rjeili, l’un des fondateurs du mouvement. « Ce fut une très bonne surprise, nous dit-il. Le peuple a prouvé qu’il n’était pas sensible à l’intimidation. Malgré les articles de presse et les SMS qui ont tenté de leur faire peur en invoquant des dangers divers, les citoyens ont fait acte de présence en grand nombre, sans se soucier de cette campagne menée par le pouvoir. »
Exceptionnelle, cette manifestation l’était à plus d’un titre : c’est la première fois que des revendications politico-sociales, non soutenues par un (ou des) parti(s) donné(s) ou par un (ou des) leader(s), rassemblent des dizaines de milliers de personnes. La spontanéité du mouvement a frappé nombre d’observateurs, notamment illustrée par les pancartes en carton, visiblement préparées par les manifestants eux-mêmes chez eux. Et, surtout, il y avait la diversité des participants à cet événement : la place des Martyrs était, samedi, un lieu de rencontre, loin des discours sectaires des hommes politiques, principale cible de la foule. Avec cet esprit festif et cet humour qui semblent accompagner les Libanais même dans les pires circonstances.

Dimanche, malgré les heurts qui ont eu lieu en fin de soirée place Riad el-Solh après la manifestation géante, il y avait comme un air nouveau de liberté qui soufflait sur le pays.
La mobilisation record a donné sans nul doute un nouvel élan au collectif « Vous puez ! », qui est né de la dernière crise des déchets, déclenchée par la fermeture de la principale décharge du pays le 17 juillet et par l’incapacité du gouvernement à trouver des solutions viables. Dans le communiqué lu par une militante de la campagne à la fin du rassemblement, les protestataires ont affiché leur intention de recourir à l’escalade à partir de mardi soir, si le gouvernement ne donne pas suite à leurs revendications : la démission du ministre de l’Environnement Mohammad Machnouk, la révélation de l’identité de ceux qui ont tiré sur les manifestants (lors d’un sit-in le week-end précédent) et la nécessité de demander des comptes au ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk, une solution à la crise des déchets qui respecte l’environnement et protège la santé, et enfin des élections législatives « légales ».
Le communiqué lu par la militante souligne également que « la lutte n’en est qu’à ses débuts, et se poursuivra tant que nous serons sans président de la République et sans justice indépendante, et afin que nos jeunes n’émigrent pas, que nos municipalités reçoivent leurs dus, qu’un terme soit mis au gaspillage et à la dette publique, que les espaces publics retrouvent leur vocation, qu’on arrête de mourir aux portes des hôpitaux et que les (soldats) enlevés (par les groupes islamistes) soient libérés ».

À quoi s’attendent les fondateurs du collectif ? « Nous attendons une réponse du gouvernement à nos quatre revendications, répond Lucien Bou Rjeili. Ces revendications sont claires, les autorités peuvent les satisfaire en très peu de temps. » Toutefois, la revendication d’élections législatives ne peut pas être concrétisée en si peu de temps. « Il faudra au moins qu’ils annoncent leur volonté de tenir des élections, répond-il. Ils gèlent tout le pays depuis bien trop longtemps. Nous demandons qu’ils respectent la Constitution. De plus, ils mettent la santé des Libanais en danger, par leur échec à trouver une solution aux déchets. Ce sont nos droits les plus élémentaires que nous réclamons. »
Quelles mesures d’escalade sont envisagées ? « Beaucoup d’idées ont été mises sur le tapis, nous attendons la réponse des autorités pour décider des mesures adéquates », souligne-t-il.
À la question de savoir si le collectif privilégie, dans ses revendications, l’élection d’un président de la République, le cinéaste estime qu’« il est impensable de confier l’élection d’un président à 128 usurpateurs au Parlement ». « Pour que le prochain président soit à 100 % légitime, il faut commencer par les élections législatives », affirme-t-il.