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La stabilité gouvernementale et sociale vs l’aventurisme de Michel Aoun

La situation

Fady NOUN

À en juger par les visites, appels et déclarations faits hier par l’ensemble de la classe politique, le baroud d’honneur de Michel Aoun en faveur des « droits des chrétiens » a fait long feu, tout le monde convenant que la stabilité gouvernementale et la stabilité sociale qui l’accompagne sont indispensables pour que le Liban franchisse aux moindres frais la délicate étape que traverse la région du Moyen-Orient. Et beaucoup, sinon tous, jugeant que les droits des chrétiens ne sont pas un fond de commerce dont Michel Aoun a la représentation exclusive.

Générale, la demande de stabilité est venue aussi bien de Paris, avec une déclaration du Quai d’Orsay qu’avec le discours de Hassan Nasrallah, pour la Journée d’al-Qods, dans lequel le secrétaire général du Hezbollah, tout en renouvelant formellement son soutien au chef du CPL, a fait du maintien du gouvernement – et de son chef – une affaire de survie de l’État.

Il ne s’est trouvé pas un seul allié important de Michel Aoun qui n’ait critiqué le mouvement de rue auquel il a eu recours, à commencer par Sleiman Frangié, pour ne rien dire de ses adversaires politiques, du 14 Mars à la Rencontre consultative, en passant par Walid Joumblatt.

Est-ce à dire que les revendications du CPL sont strictement sans objet ? Pas tout à fait. Comme l’affirmait à L’Orient-Le Jour, hier, une source juridique, le problème est un problème de gouvernance et non de textes. Si le Premier ministre refuse d’inscrire à l’ordre du jour du Conseil des ministres un point réclamé par le CPL ou s’il passe outre à l’une de ses remarques, la réponse à ces malentendus sur les attributions des uns et des autres doit être trouvée au sein des institutions, et non dans la rue, d’autant plus que la période de vide présidentiel est quasi inédite et pose aux gouvernants des défis insurmontables.

Parallèlement, le CPL doit accepter que ses interprétations de la Constitution et de ce que doit incarner le chef de l’État ne sont pas les seules légitimes ; il doit aussi accepter de se plier à la discipline du vote prévue à l’article 63 de la Constitution. D’ailleurs, le Hezbollah a sagement invité hier son allié au dialogue avec le courant du Futur plutôt qu’aux déclarations incendiaires.

Ce qui est considéré comme étant une grave erreur de la part du CPL, c’est d’avoir voulu faire du Premier ministre un épouvantail et de l’avoir assimilé à un jihadiste, alors que, pour ne citer que cet exemple, M. Salam est la seule personnalité musulmane sunnite qui se soit alignée sur les positions de Bkerké quand, en 1992, le siège patriarcal s’est prononcé en faveur du boycottage des élections législatives. )

Que cache le regain de tension politique provoqué par le CPL ? Beaucoup parlent des rivalités internes qui opposent les potentiels dauphins de Michel Aoun, y compris ses deux gendres.

Mais ce que cachent aussi les manifestations du CPL, c’est peut-être simplement le lancement de la campagne électorale de Michel Aoun. En effet, le chef du CPL a affirmé jeudi soir qu’il faut oublier la présidence et que, par ordre de priorité, ce sont de nouvelles élections législatives qu’il faut organiser. Quand on sait les vains efforts déployés au printemps 2014 pour élaborer une nouvelle loi électorale, on se rend compte que M. Aoun, avec cette proposition, embarque le Liban dans une aventure de plus, simplement parce que ce n’est pas lui le président.

Mais entre-temps, les voyants rouges commencent à clignoter partout. Malgré les festivals et le taux d’occupation des hôtels, le président de la Fédération des Chambres de commerce et d’industrie du Liban, Mohammad Choucair, est inquiet. « Regardons autour de nous comment certains États vacillent », a-t-il dit, songeant probablement à la dette. Hier, une poignée d’anciens locataires ont perturbé la circulation au niveau de La Quarantaine. Dans exactement 7 jours, le dépotoir de Naamé fermera et des tonnes de déchets ménagers commenceront à s’entasser dans les rues. Autant de crises économiques et sociales qui ne sauraient attendre un règlement politique qui convienne à sa majesté…