Mitraillée par des milliers de caméras de portables, introduite comme une colombe de paix ou un parfum d’encens dans l’enceinte du Parlement, exaltée par l’archevêque maronite de Beyrouth dans une nef qui voit rarement une foule de fidèles aussi dense, annexée sans succès par certains députés, la statue de Notre-Dame de Fatima a achevé hier sa visite de quatre jours au Liban en apothéose.
C’est bien sûr l’introduction de la statue dans l’enceinte parlementaire qui a frappé le plus les imaginations. La procession n’est pas entrée dans l’hémicycle, mais dans le hall d’entrée du bâtiment, le temps de quelques cantiques. Malgré la cohue, la statue a fait grâce au Parlement de sa mystérieuse et joyeuse présence, que certains attribuent à l’art, d’autres à la prière. La statue s’engouffrant dans la pénombre du hall d’entrée rappelait un peu la scène de Jésus appelant Lazare à sortir de sa tombe.
Le député Ibrahim Kanaan, qui avait plaidé en cours de journée pour que les députés ne s’absentent pas du Parlement et entérinent des projets de prêts de la Banque mondiale qui risquent de se perdre, s’est fait le porte-parole involontaire de l’opinion publique, en réclamant l’élection d’un nouveau président, la formation d’un nouveau gouvernement et un nouveau départ pour la Chambre. Sachant que c’est son bloc qui paralyse les institutions. Involontairement, M. Kanaan s’est fait le porte-voix des Libanais tenaillés par un vrai besoin d’institutions, un besoin qui commence à se faire durement ressentir.
La présence de Notre-Dame de Fatima au Parlement a fait tiquer le secrétaire général du 14 Mars, Farès Souhaid, qui a protesté contre cette confusion entre les deux ordres temporel et spirituel. « Il aurait mieux valu que les députés, plutôt que la Vierge, se rendent au Parlement », a-t-il réagi.
Litanie mariale de Mgr Matar
La statue de Notre-Dame de Fatima avait, auparavant, été conduite en procession à travers la place des Martyrs, avant d’être installée dans la grande nef de la cathédrale Saint-Georges des maronites. Avec l’accent des litanies, l’archevêque de Beyrouth, Boulos Matar, a égrené les vertus de la Vierge Marie, l’implorant, puisqu’il était nécessaire que la statue qui la représente retourne au Portugal, de rester au Liban par la grâce.
« Notre-Dame de Fatima, Notre-Dame de Lourdes, Notre-Dame du Liban, Tu es la Reine du Ciel et de la Terre (…), et par la prière et l’amour de Ton Fils, Tu participes à notre rédemption, Lui a-t-il dit. Nous avons consacré cette patrie à Ton Cœur immaculé. Il est inadmissible qu’après, nous continuions à vivre dans le péché, la haine et les divisions. Obtiens pour nous par Ta prière l’entente, le rapprochement, l’union des cœurs. Dans les pays voisins, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Palestine, en Libye, Tu as aussi des enfants qui se disputent et se battent, qui tuent sur la base de l’appartenance religieuse. Mais ce n’est pas cela l’Orient des révélations (…), cet Orient si cher à Ton cœur. Nous demandons pour tous les responsables politiques la miséricorde et la tendresse de cœur, pour qu’ils jettent leurs armes et renouent entre eux. Nous sommes tous à l’image de Dieu, nous aimons tous la vie. Nous voulons tous la paix. Nous avons tous le droit de vivre en paix ensemble (…). Élève notre prière à la Trinité sainte, sois notre aide en tout temps. »
C’est soigneusement rangée dans un coffre capitonné, et après d’ultimes cantiques dans le bâtiment de la direction de l’Aviation civile, que la statue a repris, sur un avion particulier, le chemin de Fatima, accompagnée de Mgr Antoine Baylouni, vicaire patriarcal émérite de l’Église syriaque-catholique et du diacre Emmanuel. Mais Sa visite restera, très longtemps, dans toutes les mémoires.