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« L’accord de cessez-le-feu en Syrie est le plus sérieux jamais obtenu »

Nicolas Hénin, spécialiste de la Syrie, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

 

Quels groupes rebelles sont inclus dans l’accord de cessez-le-feu entre le régime et l’opposition, conclu sous l’égide de la Russie et de la Turquie?
Potentiellement tous les groupes rebelles sont inclus dans cet accord de cessez-le-feu, jusqu’à Ahrar al-Cham, sachant qu’inclure ce groupe est déjà un tour de force. C’est potentiellement le groupe le plus radical qu’on puisse espérer voir discuter avec le régime syrien (NDLR : une information confirmée par les Russes, mais démentie par le groupe en question en soirée). Al-Mayadeen, la chaîne de télévision du régime, a changé sa rhétorique et se met à qualifier les « terroristes » d’hier d’« opposition armée ». Un communiqué du Kremlin qualifie notamment Ahrar al-Cham de groupe rebelle modéré. On verra par la suite si le président russe Vladimir Poutine aura les capacités de faire accepter à Bachar el-Assad de dialoguer avec un groupe jihadiste. Les Kurdes sont exclus par essence, car tous les groupes qualifiés de terroristes par les Nations unies sont exclus de cet accord. Les groupes considérés comme terroristes opérant en ce moment en Syrie sont : le groupe État islamique, Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra) côté jihadistes, le PKK et ses filiales côté kurde, et le Hezbollah côté chiite. Donc, si cette logique est respectée, le Hezbollah devrait également être exclu de cet accord. Ils ne sont pas expressément mentionnés, mais les Turcs ont insisté sur le fait que ces quatre groupes soient exclus.

Est-ce que cet accord de cessez-le-feu a des chances d’aboutir ?
C’est probablement l’accord le plus sérieux jamais obtenu, parce qu’il est le résultat d’une pression exercée à la fois militairement, la chute d’Alep ayant été très démobilisatrice pour les rebelles syriens, mais également d’opérations de recrutement, sous l’étendard de ce que les Russes appellent la réconciliation. En fait, ce sont des combattants simplement débauchés à partir de groupes qui pour la plupart travaillaient pour les Américains, afin de les ramener dans le giron du régime.

Quelles vont être les bases des futures négociations, et à quoi pourront-elles aboutir ?
Il y a eu beaucoup de spéculations sur une répartition des zones d’influence entre les trois principaux parrains de cet accord : Moscou, Ankara et Téhéran. Sachant qu’à plus long terme, cet accord devra être élargi. Cet accord a été fait dans la précipitation. L’agenda n’est pas du tout anodin, car Vladimir Poutine est pressé avant que le président américain élu Donald Trump ne prenne ses fonctions, afin d’imposer une sorte de fait accompli. C’est une donnée importante. Même si c’est surtout le président russe et Recep Tayyip Erdogan qui ont pour l’instant dessiné les grandes lignes de cet accord, il faudra, à très court terme, adjoindre les États-Unis, l’Europe, ainsi que les pays arabes, ne serait-ce que parce qu’un soutien politique et financier sera nécessaire pour la suite. Je pense que la priorité maintenant pour Vladimir Poutine est d’obtenir une sorte de grand chelem, et en particulier de se réconcilier avec l’Arabie saoudite.