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L’alliance Aoun-Hezbollah fragilisée par les ambitions présidentielles du général, le parti chiite s’inquiète

 

Philippe Abi-Akl |

Le président de la Chambre Nabih Berry a estimé, alors qu’il recevait le nouveau président de l’ordre de la presse, Aouni Kaaki, accompagné d’une délégation, que le Liban a raté l’opportunité de libanisation de l’échéance présidentielle. Selon lui, le succès de cette échéance, qui était soumise à de nombreuses ingérences régionales et internationales au fil des années, nécessite aujourd’hui urgemment une intervention étrangère. Malgré cela, la septième séance de dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur qui se tiendra lundi prochain devrait se pencher essentiellement sur ce dossier. Surtout après le discours de l’ancien Premier ministre Saad Hariri au Biel, qui a remis la présidentielle sur la liste des priorités à régler grâce au dialogue avec le parti chiite. Nabih Berry aurait aussi mis en garde le Hezbollah et le courant du Futur de ne pas nommer lors du dialogue des candidats pour la présidentielle qui reste, malgré son caractère national, une responsabilité essentiellement chrétienne.
Du côté du 8 Mars, également, on assure aujourd’hui qu’il faudra parier sur une intervention étrangère afin de mettre un terme à la vacance présidentielle, mais surtout si l’autre dialogue, celui réunissant le chef des Forces libanaises Samir Geagea et le chef du Courant patriotique libre Michel Aoun, n’aboutissait pas. Les deux pôles chrétiens, qui tentent actuellement de se mettre d’accord autour des sujets qui figureront au menu de leur table de dialogue, ne devraient toutefois se pencher sur le dossier de la présidentielle qu’en un second temps, la première phase de dialogue étant consacrée à « tourner la page du passé et du conflit entre les deux parties, pour apaiser les tensions dans les quartiers chrétiens et arrêter les campagnes d’accusations mutuelles ».
Les forces du 8 Mars continuent toutefois d’afficher une claire envie de garder cette échéance à l’écart des ingérences externes, même si cela signifiait forcément un consensus. Le ministre Mohammad Fneich a en effet affirmé que « notre candidat est connu de tous, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas ouverts au dialogue et à la communication puisque nous devons chercher ensemble le candidat le plus chanceux, le plus représentatif ». Tout comme Nabih Berry qui a déclaré qu’il tentera de faire en sorte que ce président soit choisi par toutes les composantes libanaises, si jamais une entente chrétienne ne se concrétisait pas, afin d’éviter toute ingérence externe. Des positions critiquées par des responsables du 14 Mars qui ont estimé que le 8 Mars tente de se cacher derrière les revendications du général Michel Aoun afin de retarder la présidentielle à des fins régionales, afin que ce dossier libanais soit utilisé au profit de l’accord sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran.
Si le cheikh Nabil Kaouk du Hezbollah affirme que « la balle n’est pas dans notre camp puisque nous avons clairement choisi notre candidat », les forces du 14 Mars continuent de s’interroger de savoir pourquoi les députés du parti chiite et les députés aounistes persistent à boycotter les séances parlementaires pour élire un président, s’entêtant à présenter le général Aoun comme candidat consensuel. Dans ce contexte, le choix du général Aoun comme candidat consensuel paraît quasi impossible, en raison de son alliance avec le Hezbollah, à moins que Michel Aoun ne soit prêt à se défaire de ses alliances pour accéder à Baabda.
En effet, de nombreux observateurs suivent avec intérêt l’élan du Hezbollah vers Rabieh et sa campagne de soutien au général Michel Aoun. Sur ce plan, ils estiment que le Hezbollah est inquiet du rapprochement entre la Maison du Centre et Rabieh, qui s’est concrétisé par la participation de nombreux cadres aounistes à la cérémonie du Biel commémorant l’assassinat de Rafic Hariri et la célébration du 80e anniversaire du général à la table de Saad Hariri. Un rapprochement qui pourrait accoucher d’une alliance politique, gênante au plus haut point pour le Hezbollah.
Cette alliance devient par ailleurs de plus en plus probable, d’autant plus que des cadres des FL assurent qu’il n’est pas vrai que Samir Geagea se prépare à soutenir le général Aoun pour la présidentielle, « car il est impossible que Geagea soutienne un allié du Hezbollah ».
Les deux parties chrétiennes continuent en fait de ne pas s’entendre sur leur vision du « prochain président fort » et il faudra attendre la deuxième phase du dialogue pour tenter de régler ces divergences. Un dialogue sur lequel comptent beaucoup le patriarche maronite Béchara Raï, Nabih Berry et même Jean-François Girault, directeur du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay. L’initiative de ce dernier pour sauver la présidentielle a en effet été suspendue en attendant les résultats du dialogue interchrétien, même si le dossier présidentiel pourrait être présent dans plus d’une capitale le mois prochain, après la signature de l’accord-cadre entre Washington et Téhéran.