Après l’offensive-éclair du Hezbollah contre les éléments du front Fateh el-Cham (ex-al-Nosra) dans le jurd de Ersal, les regards sont aujourd’hui fixés sur la zone contrôlée par le groupe État islamique, qui borde les deux villages du Qaa et de Ras Baalbeck, dans l’extrême nord de la Békaa.
Les habitants de ces deux bourgades chrétiennes, situées à la frontière avec la Syrie, attendent, avec anxiété, le lancement de la seconde phase de la bataille, qui, espèrent-ils, les libérera une fois pour toutes de leurs voisins jihadistes, lesquels n’ont pas toujours été tendres à leur égard. On se souvient encore, il y a un an de cela, de la série d’attentats-suicides perpétrés en une journée au Qaa, faisant treize tués et un grand nombre de blessés.
Le Qaa est situé sur le principal axe routier reliant la ville syrienne de Qousseir à la Békaa. À sa périphérie, dans les « macharih el-Qaa », se trouvent plusieurs camps de réfugiés syriens, parmi lesquels se sont infiltrés, à plus d’une reprise, des éléments jihadistes. Le défi est donc double pour cette bourgade qui vit depuis des années dans une crainte permanente.
« Non seulement nous sommes coupés du monde et de la vie urbaine, mais le fait de se sentir ainsi encerclés nous oblige à rester sur nos gardes vingt-quatre heures sur vingt-quatre », témoigne Dalida, une habitante du village. « La seule chose que nous craignons de nouveau, ce sont les infiltrations », confie la jeune femme à L’Orient-Le Jour.
Maintenant que la décision est prise de nettoyer le jurd dans sa totalité – du moins c’est ce que laissent entendre les milieux du Hezbollah –, les habitants sont dans une anxieuse expectative. Depuis quelques jours, c’est à un déploiement sans précédent de l’armée libanaise qu’ils assistent. Un signe, selon certains, que l’armée prendra part activement à cette seconde manche.
« Nous sommes prêts à soutenir nos soldats, et le moral est très élevé », confie le président de la municipalité, Bachir Matar, qui souligne que les habitants du village attendent impatiemment le jour J. « C’est l’armée qui décidera en définitive du bon timing », dit-il, convaincu que, cette fois-ci, c’est bien la troupe qui mènera le combat contre l’État islamique. « L’ampleur des renforts est un indicateur d’une implication future de l’armée libanaise », note-t-il.
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Un terrain extrêmement difficile
Un avis que ne partage pourtant pas le général à la retraite et analyste militaire Khalil Hélou, qui croit savoir que cet important déploiement vise à protéger la région de possibles incursions.
Tout en reconnaissant que les médias ont effectivement évoqué ces derniers jours l’éventualité de l’intervention des soldats libanais contre Daech, le général Hélou se dit certain que la troupe ne fera ni plus ni moins que ce qu’« elle n’a cessé de faire, avec succès d’ailleurs, depuis trois ans, c’est-à-dire protéger la frontière et empêcher les infiltrations ».
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Quand bien même la bataille contre l’État islamique, dont les effectifs dans le jurd s’élèveraient à 400 ou 500 hommes répartis sur près de 400 km2, aurait obtenu un feu vert régional, « à l’instar de la bataille contre Fateh el-islam à Nahr el-Bared en 2007 qui a bénéficié de l’aval du Qatar et de la Turquie, fait remarquer M. Hélou, l’armée libanaise n’ira pas s’aventurer sur ce terrain extrêmement difficile ». Selon lui, il faudrait donc s’attendre à des opérations défensives, mais qui seraient ponctuées d’opérations offensives ciblées selon les besoins.
À ce jour, l’armée a déployé un régiment de commandos, un régiment héliporté, une brigade entière, et l’artillerie, croit savoir le stratège militaire. « Au Qaa, la troupe vient de renforcer ses positions défensives, sa mission principale étant de bloquer la frontière de sorte à la rendre complètement hermétique pour empêcher toute infiltration vers l’intérieur libanais », dit-il. Cette mesure de prévention est d’autant plus nécessaire que, selon lui, « l’EI a l’habitude d’attaquer dès lors que l’adversaire est occupé par une autre bataille, comme c’est le cas aujourd’hui avec la bataille contre le front Fateh el-Cham ».