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L’armée repousse les jihadistes à Ras Baalbeck

Tout au long de la journée d’hier, l’armée a affronté près de 200 éléments armés dans le jurd de Ras Baalbeck, près de la frontière syrienne. Ces accrochages ont fait cinq morts dans les rangs de l’armée : le lieutenant Ahmad Mahmoud Tabikh, né en 1987 ; le sergent Mohammad Nayazi Nasreddine, née en 1983 ; le soldat Bilal Khodr Ahmad, né en 1986 ; le soldat Mohammad Ali Alaaddine, né en 1995 ; le soldat Hassan Ramadan Dib, né en 1992.

Des miliciens de l’État islamique et du Front al-Nosra, affluant du Qalamoun, s’étaient infiltrés très tôt, hier, dans le territoire libanais, attaquant un poste militaire à Tallit el-Hamra, l’une des collines du jurd, située à 5 km le village de Ras Baalbeck, à majorité chrétienne. « L’un des avant-postes de l’armée dans le jurd de Ras Baalbeck a été attaqué par un groupe terroriste. Les militaires ont vite riposté. Les accrochages se poursuivent », a déclaré l’armée dans un premier communiqué, hier, priant par ailleurs les médias de « ne diffuser aucun information sur les détails des affrontements dans le jurd de Ersal ».
En milieu d’après-midi, vers 17 heures, l’armée, grâce aux renforts des forces héliportées et à l’usage de l’artillerie lourde, a réussi à repousser les jihadistes, dont plusieurs étaient des tireurs embusqués. Les jihadistes auraient visé plusieurs tanks de l’armée.

Une contre-attaque précise
La réponse de l’armée a été très précise. En effet, les tirs de canons et de roquettes, ainsi que les raids aériens ont visé directement les positions des terroristes, qui étaient par ailleurs attaqués sur le terrain par les troupes héliportées et d’autres unités déployées sur le terrain. L’armée a d’ailleurs précisé dans un communiqué que « les unités militaires effectuent un raid sur les lieux de rassemblement des éléments armés et les couloirs par lesquels ils s’infiltrent, avec les armes adéquates ».
Alors que la troupe reprenait le contrôle de la colline de Tallit el-Hamra, les combats se poursuivaient dans le jurd où les éléments armés se sont retirés, laissant derrière eux un grand nombre de dépouilles, de blessés et de véhicules visés par les raids de l’armée. Près de trente jihadistes auraient été tués. D’autres collines avoisinantes, comme la colline Oum Khaled, ont également été le terrain d’affrontements, avant d’être reprises entièrement par l’armée.
L’intensité des combats, ayant atteint son apogée entre 14 heures et 16 heures hier, s’est progressivement atténuée, jusqu’à se limiter à des tirs de canons ponctuels de l’armée en direction du jurd. En soirée, des renforts importants de la 4e brigade d’intervention affluaient à Ras Baalbeck.

Les blessés de l’armée
Jusque tard en soirée, le bilan des victimes de la troupe n’avait toujours pas été confirmé officiellement par l’institution militaire. « Il y a des martyrs et des blessés dans les rangs de l’armée libanaise et nous avons tué et blessé plusieurs des assaillants », répétaient les sources militaires, jusqu’à la publication, peu avant minuit, d’un communiqué de l’armée rapportant les noms des militaires tués, sans mention du nombre de blessés. Pendant la journée, l’institution militaire avait appelé les médias à ne pas avancer de bilans non vérifiés, alors qu’un certain flou entourait les événements en cours. De nombreux blessés de l’armée ont été transportés vers les hôpitaux de Ras Baalbeck et du Hermel. Il y aurait au moins quatorze blessés. Le même flou a entouré le nombre exact des dépouilles des terroristes recueillies en fin d’après-midi par la défense civile à Tallit el-Hamra.

Incidents ponctuels
Dès le déclenchement des combats dans la matinée, le commandement de l’armée avait perdu le contact avec cinq soldats, dont le sort demeurait jusqu’à hier incertain. « Tant que les combats se poursuivent, nous ne pouvons qualifier ces soldats de disparus », a précisé hier en cours de journée une source militaire. Le soldat Hussein Diab, qui ferait partie de ces cinq soldats, aurait contacté ses proches pour les rassurer qu’il avait été transporté vers un hôpital de la localité, mettant un terme aux rumeurs qui couraient sur son possible enlèvement par le Front al-Nosra.

Parallèlement aux combats dans la Békaa, l’armée a pris des mesures sécuritaires intensives aux entrées du camp de Aïn el-Heloué, vérifiant les papiers d’identité de chaque passant.
Force est de noter que dans la nuit de jeudi à vendredi, des accrochages aux armes automatiques auraient eu lieu en plein village de Ersal, dans le quartier Chofoc, entre des éléments de l’État islamique et le groupe de Zahran Allouche affilié à l’Armée syrienne libre à l’intérieur de Ersal (nord-est de la Békaa). Les violences auraient duré de minuit à une heure du matin, sur fond de rapts de Syriens par l’EI, la veille. Ces informations ont toutefois été démenties par le correspondant de l’Ani.

Les motifs possibles de l’attaque
Ces combats sont les plus violents qu’a menés l’armée depuis la bataille de Ersal en août dernier. Ils ont déclenché de nombreuses réactions politiques.
Le Premier ministre Tammam Salam a suivi les développements de la bataille par le biais du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, auquel il a réaffirmé son appui entier à l’armée.
Saluant pour sa part les sacrifices de l’armée et l’importance de son rôle, le député Samy Gemayel a lancé le même appel qu’il avait lancé lors des combats de Ersal : « Nous mettons les capacités humaines et matérielles de notre parti à la disposition de l’armée. »

Mais la question sous-jacente à toutes les réactions était de connaître le motif de l’attaque des jihadistes.
Dans un communiqué, l’armée a renvoyé les causes de l’attaque à ses précédentes réalisations dans sa lutte contre les takfiristes. « À la suite de l’embuscade tendue par une unité de l’armée mercredi dernier, tuant quatre éléments armés infiltrés au niveau du barrage de Wadi Hmayed à Ersal (…), et après avoir déjoué une tentative de transfert d’une voiture piégée vers le Liban, le (jeudi) 22 janvier dernier, des groupes affiliés à des organisations terroristes ont attaqué ce matin (hier) un avant-poste de l’armée (…) », a déclaré l’armée dans un communiqué en début de soirée, annonçant la reprise de Tallit el-Hamra.

Selon des sources citées par la chaîne OTV, le but de cette attaque serait « d’adresser un message fort en réaction à la visite du général Kahwagi à la Békaa, mercredi ».
Selon notre chroniqueur diplomatique Khalil Fleyhane, qui cite des sources diplomatiques occidentales et arabes, cette attaque préluderait à un assaut terroriste plus large contre les postes de l’armée, prévu au printemps, lorsque les neiges auront fondu. Alors que ces informations font l’objet d’échanges entre différents ambassadeurs, un ministre, cité par notre correspondant, pose la question de savoir pourquoi l’alliance internationale contre l’État islamique s’abstient d’intervenir aux cotés de l’armée. Celle-ci pourrait bénéficier d’une aide des forces de l’air internationales, dans ses combats contre les terroristes, qui comptent souvent sur l’élément de surprise. Un haut responsable, cité également par notre correspondant, précise que ces questionnements n’ont pas forcément pour objectif de solliciter l’intervention des forces de la coalition, mais uniquement de comprendre les raisons du silence international, notamment américain, face aux agressions terroristes contre le Liban. Pourtant, les craintes ne portent pas seulement sur un renouvellement des attaques contre l’armée, mais sur une tentative des jihadistes de commettre des crimes à caractère confessionnel, à l’instar de ce qui s’est passé en Irak et en Syrie. La cible de Ras Baalbeck serait ainsi significative…

En décembre déjà, un habitant de Ras Baalbeck confiait, sous le couvert de l’anonymat, sa peur à L’OLJ : « On ne sait pas à quel moment ils (les jihadistes) peuvent venir au village. Durant les neuf derniers mois, dans le jurd, il y a eu nombre d’enlèvements contre rançon, de vols, d’actes de vandalisme… L’armée n’a pas l’ordre de tirer. D’ailleurs, elle est la cible des fondamentalistes et essuie de plus en plus de pertes sans vraiment agir. »
En conséquence, des habitants de la ville avaient décidé de prendre l’initiative et de monter la garde afin de décourager les miliciens d’al-Nosra et de l’État islamique d’entrer dans la localité.