IMLebanon

  L’avenir est à réinventer

L’essai n’a pas été transformé. Hier soir, le Front national, en tête dans six régions de France à l’issue du premier tour des régionales, a fini bredouille. Tant mieux.
Mais il ne faut pas se leurrer, tout reste à faire et les motifs de réjouissance sont rares à l’aune de ce que fut l’entre-deux tours : une bataille de petites phrases, tractations et invectives, comme autant de confirmations que la classe politique continue d’ignorer les vrais enjeux de l’époque et les attentes des citoyens.
Les résultats du premier tour des régionales, après ceux des municipales et des européennes, sont le symptôme d’un mal profond dont souffre la France, et pas seulement elle.
« Le vieux monde se meurt », disait Gramsci. Le monde change, à la vitesse du numérique, des technologies de l’information et du réchauffement climatique. Entre autres. Il serait urgent de l’intégrer, au plus haut niveau, d’en comprendre les implications et de lancer les indispensables réflexions et évolutions pour empêcher les « monstres » de surgir.
Le vieux monde se meurt et le « clair-obscur » est terriblement anxiogène, à tant de niveaux : environnement, économie, valeurs, sécurité…
Un exemple, parmi d’autres : à force de délocalisation de la production et de développement de l’automatisation, le travail, tel qu’on le connaît, l’un des piliers de nos sociétés, tend à disparaître.
On peut rabâcher, à longueur de discours, des promesses et appels aux sacrifices pour lutter contre le chômage. On peut aussi reconnaître que nous sommes face à une évolution de fond de nos sociétés, et que lutter contre le chômage, machine à exclusion, avec les outils traditionnels ne fonctionne plus vraiment. Qu’aujourd’hui, il faut repenser le travail, sa valorisation, sa forme et sa place dans nos sociétés. Que dans le même élan, l’on ne peut éviter une réflexion sur notre modèle économique en général, alors que la société de l’hyperconsommation a montré ses limites. Aujourd’hui, les responsables doivent sortir de leur bulle et aller, vraiment, à la rencontre de ces entrepreneurs, intellectuels et philosophes qui explorent de nouveaux modèles.

Les résultats des régionales doivent aussi interroger sur le fonctionnement de la vie politique qui tient de plus en plus du gros gâteau américain à étages où l’apparence prime sur le goût : un étage de promesses électorales non tenues, une couche de programmes enterrés sitôt l’élection gagnée, un nouvel étage de gouvernance à outrance; le tout recouvert d’une couche épaisse, lisse et écœurante de communication politique/pâte à sucre, surmontée d’un gros nœud en forme de slogan creux.
Gavés de ce gâteau, certains s’abstiennent. Et l’on doit se demander si cette abstention relève d’un manque d’intérêt pour la gestion des affaires de la cité, ou d’un rejet par les électeurs des options qui s’offrent à eux. D’autres votent pour le FN, parti opportuniste et démagogue qui ne propose aucune alternative à la hauteur des enjeux, mais parie sur un ressort vieux comme le monde : le bouc émissaire.
Les partis traditionnels, eux, battent le rappel du front républicain et invoquent les valeurs de la France, mais sans les défendre assez au-delà des mots, sans être à la hauteur de la confiance qu’ils réclament. Contre le FN, ils jouent la peur, aussi, à l’instar d’un Manuel Valls brandissant la menace d’une « guerre civile » en cas de victoire du FN.
Entre les deux, les médias, certains médias, décryptent, décodent, ouvrent leurs colonnes aux idées, au débat. Heureuses initiatives.
Mais décrypter, fact-checker, ne suffira pas. Les appels au sursaut républicain ne suffiront pas non plus. Quant à jouer la peur, terreau même du vote FN…
Aujourd’hui, il faut proposer aux électeurs de vrais projets de société.
La réussite du sommet de la COP21 est un début. Mais il faut aller plus loin, engager une réflexion ouverte, honnête et courageuse sur les enjeux et défis de l’époque.
C’est ainsi que l’on engendrera l’espoir qui, seul, pourra faire barrage aux monstres.
L’heure n’est plus au bricolage, mais à la réinvention.