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Le boycottage de la présidentielle de plus en plus suspect

 

C’est sans surprise que la quatorzième séance parlementaire consacrée à l’élection du président de la République a été reportée hier, faute de quorum. La prochaine réunion a été fixée au 19 novembre prochain. Cette banalisation du vide au niveau de la magistrature suprême – voulue par le Hezbollah et son allié aouniste – paraît toutefois de plus en plus suspecte.
Une petite phrase lancée le plus simplement du monde par le général Michel Aoun au terme de son entrevue, mardi, avec le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, accroît le caractère hautement suspicieux de ce boycottage systématique de la présidentielle de la part du 8 Mars, conduit en cela par le parti chiite pro-iranien. « Les circonstances ne sont pas propices à l’élection présidentielle », a ainsi affirmé le chef du CPL. Le général Aoun lie ainsi l’élection du chef de l’État à des « circonstances propices », ce qui signifie implicitement qu’il balaie d’un revers de la main les termes de la Constitution, laquelle fixe – seule – les conditions pratiques de l’élection présidentielle. Des conditions qui ne font nullement allusion (et qui ne sauraient faire allusion), à l’évidence, à des « circonstances propices ».
Boutade « aouniste » (semblable à bien d’autres…) ou lapsus significatif ? Cette obstination aveugle à bloquer la présidentielle, en dépit de la conjoncture explosive dans laquelle est plongé le pays, tend à accréditer la thèse des desseins suspects. Dans le contexte local et régional actuel, une telle obstination ne saurait être le fruit d’une quelconque manœuvre politicienne classique. Elle pourrait cacher un objectif beaucoup plus grave au plan interne, parallèlement aux calculs régionaux du régime des mollahs à Téhéran. En visite en Australie, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a adopté une attitude particulièrement ferme et sans équivoque à cet égard : il a affiché clairement une fin de non-recevoir à toute velléité d’entraîner le pays sur la voie de la convocation d’une Assemblée constituante afin de modifier le système politique en vigueur dans le pays depuis des décennies. Plus précisément depuis la proclamation du Grand Liban. Concrètement, il a rejeté d’office toute idée d’un partage du pouvoir sur base du principe des trois tiers, souhaité par le Hezbollah (un tiers pour les chrétiens, un tiers pour les sunnites et un tiers pour les chiites), au lieu de la parité islamo-chrétienne prévue par la Constitution de Taëf.
En sapant, précisément, cette Constitution – du fait qu’il a lié la présidentielle à des « circonstances » plutôt qu’aux textes constitutionnels –, le général Aoun visait-il à préparer les esprits à un tel chambardement du système politique, dans le sens voulu par le Hezbollah ? C’est ce qu’a laissé entendre hier le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, dont les propos ont rejoint ainsi la déclaration ferme du patriarche Raï sur ce plan. Au chef du CPL et au Hezbollah de lever par conséquent, sans détour, l’équivoque qu’ils entretiennent à ce sujet. Dans le cas contraire, le général Aoun devra, dans une perspective historique, rendre des comptes à la composante chrétienne de ce pays.