Le Conseil constitutionnel se prononcerait vendredi sur la validité de la prorogation du mandat de la Chambre
Institutions
« Le principe de continuité des institutions prévaudra sur celui de la constitutionnalité de la loi », prévoient les observateurs.
C’est à leur corps défendant que les dix membres du Conseil constitutionnel (CC) rejetteraient le recours en invalidation de la loi de prorogation du mandat de la Chambre des députés, estime un juriste qui suit de près ce dossier sans précédent dans l’histoire des institutions. « Un véritable cas d’école », selon lui.
« Le jugement reposerait sur un constat fort simple, précise la source en question : si le recours est accepté, la Chambre des députés disparaît, puisque le mandat de cette Assemblée a expiré. Le vide institutionnel inauguré par la vacance du poste de chef de l’État s’élargirait ainsi à une nouvelle institution. Le Liban serait alors à la merci du coup de tête d’un certain nombre de ministres qui démissionneraient collectivement, privant ainsi le pays de tout pouvoir exécutif. Ce serait le vide intégral, et c’est proprement inconcevable. À mon humble avis, les dix membres du Conseil constitutionnel ne vont certainement pas s’aventurer dans cette direction. Le principe de la continuité ou de la viabilité des institutions prévaudra sur celui de la constitutionnalité de la loi. »
Aventurisme constitutionnel
« Le plus paradoxal, dans ce dossier, ajoute la source en question, c’est que le recours en invalidation est invoqué par le camp qui fait obstruction à la bonne marche des institutions et boycotte toutes les sessions parlementaires convoquées pour l’élection d’un chef de l’État. Michel Aoun confirme l’aventurisme qui a marqué sa carrière militaire, mais cette fois, c’est de l’aventurisme constitutionnel. Presque du chantage organisé! »
Pour sa part, le Conseil constitutionnel s’est réuni à nouveau hier sous la présidence de Issam Sleiman, qui s’est abstenu de tout commentaire, en en quittant le siège.
Toutefois, selon des sources bien informées, le jugement du Conseil ne tardera plus beaucoup et, sur base du rapport établi par une commission restreinte, se prononcerait sur le recours vendredi. On sait que le Conseil est composé de dix membres, cinq nommés par la Chambre et cinq autres par le gouvernement. Ses jugements sont pris à une majorité de 7 membres. Ils doivent être pris dans un délai de 15 jours suivant la première réunion consacrée au recours examiné.
Une loi sans prévisibilité
Dénonçant les manœuvres qui ont conduit le pays au point où il se trouve, une source juridique invoque le principe de « la prévisibilité de la loi », qui permet au législateur d’agir en connaissance de cause en prévoyant à l’avance les conséquences de la législation qu’il pose.
« Or, commente en substance la source en question, la loi sur la prorogation du mandat de la Chambre a manqué totalement de cette prévisibilité, de ce délai indispensable qui doit accompagner sa mise à exécution et permettre au législateur d’en corriger les effets pervers. On n’a laissé aucun choix au Conseil constitutionnel sinon d’entériner ce qui ressemble beaucoup à un coup d’État. La Chambre s’installe, et non pour quelques mois, mais pour deux ans et sept mois, un délai qui dépasse toutes les capacités humaines de prévision. Un comble ! »
« Le procédé aurait été acceptable si des circonstances exceptionnelles avaient rendu indispensable la prorogation, ajoute la source citée. Mais la possibilité de la prorogation de la Chambre a été évoquée au cours de l’été dernier et même avant. Pourquoi ne l’a-t-on pas votée alors ? L’invalidation de la loi n’aurait pas eu les conséquences qu’elle aura nécessairement aujourd’hui, et cette décision serait restée gérable. »