Le climat de terreur que les kamikazes ont réussi à semer depuis une dizaine de jours en différents points du territoire semble malheureusement irréversible, du moins pour les mois à venir, si l’on en croit les informations distillées par les différentes sources sécuritaires.
L’un après l’autre, les attentats se succèdent et les inquiétudes sont d’autant plus grandes que la guerre que mènent les terroristes est traîtresse et pernicieuse. Hier, une nouvelle alerte a de nouveau secoué les esprits, faisant monter d’un cran la paranoïa ambiante. Des informations parvenues à la direction des Forces de sécurité intérieure relatives notamment à la présence d’éléments suspects à l’hôtel Ramada, situé tout près de l’hôtel Duroy où le kamikaze s’est fait exploser mardi, ont conduit les forces spéciales à se rendre sur place pour perquisitionner les lieux. Deux personnes ont été arrêtées pour les besoins de l’enquête et les identités de l’ensemble des clients de l’hôtel passées au crible.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un haut responsable des FSI a affirmé que les deux suspects sont de nationalité « arabe ». Selon la chaîne de télévision al-Manar, ils seraient de nationalité yéménite.
« Pour le moment, nous n’avons rien qui puisse les incriminer. Nous en saurons un peu plus dans les jours qui viennent », dit-il. Le responsable a toutefois assuré que les FSI sont en possession de « preuves concrètes » qui les ont conduites sur cette piste et que des « soupçons » relativement sérieux pèsent contre les deux personnes arrêtées.
Des informations non confirmées, relayées par les médias, ont indiqué que des ceintures d’explosifs vides ont été retrouvées sur les lieux.
Ces perquisitions en série dans plusieurs hôtels de la ville ont semé le trouble dans l’esprit de nombre de touristes qui ont préféré écourter leur séjour au Liban.
En début de soirée, la Sûreté générale a publié la photo d’un Libanais originaire du Akkar, Mounzer Khaldoun el-Hassan, 24 ans, fournisseur présumé de ceintures d’explosifs aux jihadistes opérant notamment au Liban. Ces informations ont pu être obtenues grâce à l’enquête menée par le commissaire adjoint près le tribunal militaire, le juge Dany Zeenny, auprès du second kamikaze, qui se trouve dans l’un des hôpitaux de la ville, sous surveillance. L’enquête a révélé que les deux kamikazes s’apprêtaient à mener une opération contre un lieu public dans la banlieue sud.
Par ailleurs, une troisième opération, également préventive, a été menée par l’armée libanaise dans le camp de réfugiés palestiniens à Dbayé. La troupe était à la recherche d’une Jeep de type Cherokee noire et d’une femme de nationalité syrienne.
La récente frénésie manifestée par les forces de sécurité, tous services confondus, démontre certes l’état de crainte générale qui prévaut dans le pays. Elle prouve en tous les cas l’émulation on ne peut plus positive et fructueuse entre les différentes instances, désormais convaincues de la nécessité d’une mobilisation générale et d’une coordination devenue incontournable face au monstre du terrorisme qui menace le pays.
C’est ce que constate une source sécuritaire informée, qui affirme que c’est la première fois qu’une telle synchronisation se met en place entre l’armée, la Sûreté et les FSI. « Ce n’est pas encore la situation idéale, mais c’est nettement meilleur qu’auparavant », note la source, qui rappelle toutefois qu’en matière de renseignements, chaque instance continue de garder jalousement ses données et ses méthodes de travail. « Sur le terrain toutefois, la solidarité et l’entraide sont de mise. C’était le cas lors de l’opération menée par les forces de la Sûreté à l’hôtel Duroy. »
C’est cette coordination qu’a saluée le directeur de la Sûreté, le général Abbas Ibrahim, qui a estimé qu’elle s’est illustrée par « les réalisations marquées sur le terrain ». Évoquant le caractère préventif de l’opération menée à Raouché, l’officier a insisté sur le fait que « la prévention est bien plus importante que toute autre action sécuritaire ».
Le kamikaze, un Saoudien recherché
Par ailleurs, on apprenait que le kamikaze qui a péri en se faisant exploser à l’hôtel Duroy à Beyrouth mercredi était un Saoudien recherché par les autorités de Riyad, a indiqué à l’AFP une source proche des services de sécurité saoudiens. « Son nom est Abdel Rahman Nasser al-Chenifi et il était âgé de 20 ans. Il était recherché par le ministère de l’Intérieur mais ne figurait pas sur la liste » des militants d’el-Qaëda recherchés, a précisé cette source.
Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, qui se trouvait sur place avait annoncé que le second kamikaze blessé était saoudien.
Selon la source proche des services de sécurité saoudiens, il s’agit de Ali Ibrahim al-Thuwainy, également âgé de 20 ans. Des centaines, voire des milliers de jeunes Saoudiens sont soupçonnés par les autorités d’avoir rejoint la rébellion en Syrie et notamment les rangs des organisations extrémistes sunnites.
En janvier, un Saoudien soupçonné d’être lié à el-Qaëda et emprisonné au Liban était décédé des suites d’une défaillance rénale. Maged al-Maged était soupçonné d’avoir été le chef des Brigades Abdallah Azzam, groupe jihadiste lié à el-Qaëda, qui avait notamment revendiqué un attentat ayant fait 25 morts devant l’ambassade d’Iran à Beyrouth.
Même s’il appuie le soulèvement contre le régime du président syrien, le royaume saoudien craint le retour au pays de ces jihadistes extrémistes, qui pourraient mener des attaques dans le pays, comme l’avaient fait des vétérans d’Afghanistan. En février, Riyad avait annoncé que tout Saoudien participant à des combats à l’étranger et faisant partie de « groupes terroristes » serait passible de peines allant de trois à 20 ans de prison.