La bataille du Qalamoun aura lieu. Ou peut-être pas ! Le fait est que le Hezbollah fournit un effort particulier pour présenter une éventuelle guerre avec les jihadistes d’al-Nosra et de l’État islamique non loin de la frontière libano-syrienne, en territoire syrien, comme étant inévitable et imminente.
La situation sur le terrain n’a rien de rassurant, il est vrai, ce qui contribue à accentuer les craintes d’un embrasement du front est. Hier, c’est du côté de Brital, dans la partie nord de la Békaa, et de Tfaïl, un village libanais enclavé en territoire syrien, que des combats violents se sont produits entre des combattants du Hezbollah et des jihadistes d’al-Nosra, tombés, selon al-Manar, la chaîne du parti chiite, dans une embuscade qui leur avait été tendue par les hommes de Hassan Nasrallah.
Plus tôt dans la journée, le Hezbollah et l’armée syrienne avaient attaqué une position d’al-Nosra dans le village syrien de Hsayné, jouxtant le jurd de Ersal. Al-Manar n’a pas donné de précisions sur le nombre de victimes tombées, que ce soit dans les rangs du Hezbollah ou de ceux d’al-Nosra. On sait seulement que le parti de Dieu a enterré hier un de ses combattants dans la ville de Baalbeck.
Dans le même temps, al-Nosra annonçait avoir « complété la mise en place de “l’armée de la conquête du Qalamoun” composée des factions présentes dans la région », selon l’agence locale al-Markaziya, qui précise que la formation jihadiste avait « promis une bonne nouvelle aux sunnites de Bilad el-Cham et du Qalamoun en particulier ». Faute d’une bataille en bonne et due forme, c’est à une guerre psychologique que les deux parties ennemies se livrent surtout. Wehbé Katicha, ancien officier et conseiller du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, s’est étonné des annonces faites autour de cette bataille, en relevant que l’élément de surprise est fondamental dans toute guerre. « Ou bien le Hezbollah ne veut pas s’y engager ou bien il cache quelque chose », a-t-il commenté dans une interview à al-Markaziya. Quoi qu’il en soit, pour cet ancien général de l’armée, cette bataille « ne semble pas sérieuse ».
« Nous avons décidé de régler le problème du Qalamoun », a solennellement annoncé Hassan Nasrallah, en expliquant cette décision par « l’incapacité » de l’armée à faire face aux groupes jihadistes qu’il accuse de vouloir étendre leur pouvoir au Liban (voir par ailleurs). Un discours que le vice-président du Hezbollah, cheikh Naïm Qassem, a tenu quelques heures plus tôt, lors d’un meeting politique à Bourj Brajneh, en précisant que « l’objectif de cette bataille est de protéger les villages libanais et de barrer la voie aux projets expansionnistes des takfiristes ».
Ce qui est sûr, c’est que ces affrontements, si jamais ils ont lieu, vont surtout accentuer la crise politique. Le ton commence d’ailleurs à monter dans les deux camps politiques adverses. Il y a quelques jours, le bloc parlementaire du Hezbollah a tiré à boulets rouges contre le courant du Futur qui a riposté hier avec la même force en faisant d’ores et déjà assumer au Hezbollah la responsabilité de ce que le Liban et les Libanais auront à endurer au cas où la formation chiite mettrait ses menaces à exécution.
Réuni hier sous la présidence de Fouad Siniora, le bloc du Futur a réaffirmé qu’il appartient à l’armée de protéger les frontières et rappelé que le Liban peut, sur base de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, solliciter l’aide de la Finul pour cela. Après avoir appelé au déploiement de l’armée tout le long de la frontière est et nord, le bloc du Futur a insisté sur le fait que les décisions de guerre et de paix sont « détenues exclusivement par le Conseil des ministres ». « Ce que le Hezbollah entreprend est une violation flagrante de la Constitution et de l’accord de Taëf », a martelé le bloc, pendant que les ministres de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, et de la Justice, Achraf Rifi, exprimaient des craintes, au terme du Conseil des ministres, quant aux retombées d’une nouvelle aventure du parti de Dieu au Qalamoun sur le dossier des otages militaires. « La vie des otages reste une priorité », a insisté M. Machnouk, en faisant remarquer que toute opération militaire en territoire libanais devrait être menée par l’armée.