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Le gouvernement planche enfin sur le budget pour… 2015

Le Conseil des ministres doit examiner aujourd’hui le projet de loi de finance pour tenter de rétablir un peu de légalité dans la gestion des finances publiques. Hormis certains relèvements fiscaux, le document consulté par « L’Orient-Le Jour » ne laisse apparaître aucun changement majeur de politique économique.

Sibylle RIZK

Le Conseil des ministres a décidé de mettre à son ordre du jour de jeudi l’examen de la loi de finance pour 2015. Le projet de budget est sur sa table depuis août 2014, le ministère des Finances l’ayant envoyé dans les délais constitutionnels qui prévoient une adoption par le Parlement en octobre de l’année précédant l’exercice concerné. Pour la dixième année consécutive, ils n’ont pas été respectés. Le dernier budget voté par les députés est celui de l’exercice 2006. Son adoption par le gouvernement signalerait donc un début de retour à la légalité – le vote du budget est la pierre angulaire d’une démocratie – même s’il est en principe aberrant de déterminer les ressources et les charges de l’État pour une année donnée alors que celle-ci est déjà largement entamée.
Mais on n’en est pas encore là : même en cas d’adoption du projet en Conseil des ministres, seul son vote par le Parlement le rendrait effectif et traduirait par conséquent une véritable normalisation. Or cette procédure parlementaire bute, elle, sur d’autres obstacles de taille. D’une part, les députés sont en théorie dans l’impossibilité de légiférer tant qu’ils n’ont pas élu un président de la République (le poste est vacant depuis le 25 mai 2014). D’autre part, l’adoption d’une loi de finance pour une année donnée suppose d’avoir voté la loi de règlement de l’exercice écoulé, car, à défaut, les représentants du peuple seraient en train de donner un chèque en blanc à l’exécutif sans vérification de ses comptes… Or aucune loi de règlement n’a été votée depuis la moitié des années 1990. Le ministère des Finances travaille depuis plusieurs mois à la reconstitution des comptes sur cette période afin de les soumettre aux députés.

Pas de grille des salaires
L’ambition du texte soumis à l’examen des ministres ce jeudi semble limitée à cette volonté de retrouver un semblant de légalité, selon la version dont L’Orient-Le Jour a pris connaissance – aucun document officiel n’ayant été fourni par le ministère des Finances. Sur le fond en effet, le projet de budget ne contient aucun changement majeur de politique économique et il exclut expressément « tout crédit additionnel lié à l’ajustement de la grille des salaires, ce débat n’ayant pas été tranché à ce jour ». L’objectif affiché du projet de budget est donc de stabiliser autant que possible les finances publiques, sachant que la croissance estimée pour 2015 est de 2,7 % et l’inflation de 4,5 %. Le texte soumis au vote des ministres table donc sur 23 326 milliards de livres de dépenses (15,5 milliards de dollars), en hausse de 11 % par rapport à ce qui a été effectivement décaissé en 2014. Les recettes sont quant à elles prévues à 15 634 milliards de livres (10,37 milliards de dollars), en hausse de 6 % par rapport à ce qui a été collecté effectivement l’année dernière. Une augmentation en partie due à de nouvelles mesures fiscales (voir ci-dessous) dont le montant est évalué à 1 330 milliards de livres. Le déficit s’établirait ainsi à 7 692 milliards de livres (5,10 milliards de dollars).
En matière de dépenses, le projet de budget se fixe comme objectif de les maîtriser et les rationaliser en allouant « dans la mesure du possible » des crédits d’investissements pour « soutenir l’infrastructure, notamment la réparation et l’ouverture de routes ». Ce volet volontariste est cependant contrecarré, de l’aveu même du ministère des Finances, pas sa très faible marge de manœuvre budgétaire : seuls 7,9 % des dépenses sont allouées aux investissements, soit 1 839 milliards de livres, ce qui représente seulement 2,41 % du PIB estimé à 72 032 milliards de livres pour 2015 (47,8 milliards de dollars). Ces engagements traduisent un recul de 14,3 % par rapport au montant alloué par le projet de budget pour 2014. Par comparaison, leur montant est également inférieur aux 2 200 milliards de livres affectés aux pensions de retraites et indemnités de fin de services de la fonction publique – qui augmentent, elles, de 13 % par rapport au projet de budget 2014.
Car les principaux postes de dépenses publiques sont en hausse, ou au mieux, constants. La compensation des pertes d’Électricité du Liban demeure toujours aussi coûteuse pour l’État : le montant budgété pour 2015 est de 3 056 milliards de livres, soit 13,1 % des dépenses publiques. Le service de la dette absorbe, lui, 28,2 % des dépenses à 6 582 milliards de livres. Quant aux dépenses courantes, elles augmentent sous l’effet de la hausse des salaires et traitements de la fonction publique, consécutive à l’augmentation des effectifs, en particulier parmi les forces de sécurité : 5 000 postes dans la Défense civile, 4000 dans les Forces de sécurité intérieure, 500 dans la Sûreté générale, etc.