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Le Hezbollah compte-t-il un jour rapatrier ses combattants de Syrie ?

Jeanine JALKH

Dans son discours prononcé mardi soir à l’occasion du douzième anniversaire de la « victoire contre Israël » en 2006, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a consacré une large part de son intervention aux questions régionales, dont la Syrie, qu’il a abordée sous le prisme des efforts entrepris selon lui par Israël pour bouter l’Iran et le Hezbollah hors de ce pays.
« Israël, qui a été battu en Syrie, veut imposer ses conditions, et la bataille de Netanyahu consiste aujourd’hui à faire sortir l’Iran et le Hezbollah de Syrie », avait lancé le leader chiite, évoquant même une « campagne de mendicité » que mènerait le Premier ministre israélien pour atteindre cet objectif.
Évoquant un peu plus loin les « rumeurs » qui avaient circulé à propos d’un prochain retrait des combattants du parti chiite de la Syrie, Hassan Nasrallah a rapidement évacué la question en démentant ces informations de presse sans trop s’y attarder.
La question de la présence iranienne et du Hezbollah en Syrie est revenue en force ces derniers temps, plus précisément depuis que l’influence russe s’est accrue à Damas, concurrençant de plus en plus celle de l’Iran et de son bras armé. À un moment où Moscou cherche à consolider sa suprématie sur le territoire syrien, dans une tentative de montrer qu’il est désormais le seul maître à bord ou du moins le détenteur du mot d’ordre sur place, les regards sont fixés sur son « allié » iranien alors que le conflit approche de sa fin et que s’impose la question du financement de la reconstruction de la Syrie.
L’Iran et le Hezbollah sont-ils venus en Syrie pour y rester ? C’est la question que se posent nombre d’observateurs qui s’interrogent aujourd’hui sur les intentions, à moyen et long terme, de l’allié chiite du président syrien, Bachar el-Assad, et sur la modalité du partage des rôles à l’avenir sur ce territoire. Une interrogation d’autant plus justifiée que de nombreux bailleurs de fonds, à leur tête les pays du Golfe et l’Arabie saoudite, ne seraient certainement pas disposés à verser le moindre sou en Syrie pour la reconstruire si l’emprise iranienne était toujours de mise.
C’est le message implicite qu’avait lancé en mars dernier le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, en visite aux États-Unis, lorsqu’il avait reconnu que le président syrien « restera probablement au pouvoir », en ajoutant que Bachar el-Assad « a intérêt à ne pas laisser les Iraniens faire ce qu’ils veulent ».
Deux semaines plus tôt, le numéro deux du Hezbollah, Naïm Qassem, avait affirmé que son mouvement demeurerait en Syrie « aussi longtemps que nécessaire », soulignant toutefois que lorsqu’une solution politique sera entérinée, les combattants du parti chiite retourneront au Liban.

« Protéger les localités chiites »
C’est l’avis que partage Fabrice Balanche, un géographe spécialisé sur le dossier syrien, qui estime que la présence du Hezbollah ne saurait perdurer une fois les combats terminés. Mais, pour M. Balanche, il est encore tôt d’évoquer le retour des combattants, d’autant que la guerre contre le jihadisme pourrait traîner encore deux ans. Il rejoint ainsi les propos de cheikh Qassem, qui avait estimé il y a quelques mois que le conflit pourrait durer encore au moins deux ans. La contribution militaire des combattants du parti chiite, qui ont prouvé à ce jour leur efficacité sur le terrain, est toujours incontournable pour l’instant, notamment avec l’avènement d’une énorme bataille à Idleb, « où les forces régulières syriennes auront besoin de toutes les forces de soutien pour combattre les rebelles ultraradicalisés », commente l’expert. Tout en reconnaissant l’existence de motivations iraniennes en termes d’influence géostratégique dans la région, M. Balanche évoque en outre une justification « purement chiite », mise en avant par le Hezbollah et son parrain iranien. Celle-ci s’est illustrée par la nécessité de « protéger les localités chiites » en Syrie, souligne M. Balanche. C’était également le cas aux premiers jours de l’annonce publique de l’intervention du Hezbollah en Syrie, placée sous le signe de la protection du lieu de culte de sitt Zeinab, près de Damas.
« Mais à long terme et lorsque M. Assad reprendra le contrôle de la quasi-totalité du territoire, je ne vois pas de raison qui justifierait une présence continue du Hezbollah », tempère l’expert. M. Balanche n’écarte toutefois pas la possibilité pour le Hezbollah de garder sur place des conseillers, notamment pour aider à reconstruire l’armée à laquelle plusieurs éléments issus des milices de la « défense nationale », créées en 2012 et entraînées par le Hezbollah, seraient intégrés.
D’autres analystes estiment, au contraire, que le Hezbollah n’est pas prêt à renoncer à ses gains territoriaux et à son influence en Syrie, d’autant que l’Iran n’aimerait pas voir grandir l’influence russe dans ce pays. Dans un discours confidentiel prononcé en mars dernier devant un auditoire iranien, dont la teneur a été publiée par un média officiel iranien avant d’être retirée, Hassan Nasrallah avait affirmé : « On ne combat pas pour maintenir Bachar el-Assad, mais pour protéger le principe du chiisme. » Pour Lokman Slim, essayiste connu pour ses positions critiques à l’égard du Hezbollah, ce dernier « n’est pas intervenu en Syrie pour en ressortir de sitôt ». Le terrain de jeux syrien lui sert « à élargir son influence régionale, mais aussi à faire miroiter à sa base les perspectives de la reconstruction en Syrie, d’autant que la situation économique au Liban ne sera pas assainie de sitôt ». « C’est dans cet ordre d’idées que le parti chiite pousse le Liban officiel à la normalisation avec la Syrie », dit-il. Un avis que ne partage pas Qassem Qassir, un analyste proche des milieux du parti de Dieu, qui affirme que le Hezbollah ne peut s’aventurer à « vendre à sa base » l’idée de la prospérité en Syrie « en risquant d’attiser des querelles d’intérêts qui seraient très néfastes pour le parti ».