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Le Jour de la Constitution

 | OLJ

30/08/2016

Aujourd’hui est le Jour de notre Constitution. Mes amis du Liban humaniste et leurs amis sont mobilisés autour d’une manifestation pour la Constitution comme point d’ancrage de notre citoyenneté. En nous réunissant ce soir devant Le Grey/Nahar pour une protestation ; en pratiquant ensuite à la Chambre l’exercice constitutionnel de notre droit de pétition parlementaire de l’article 47 de la Constitution (encore un recours constitutionnel « tombé en désuétude », comme le notait Edmond Rabbath dans son commentaire classique sur le texte constitutionnel) ; en brandissant la Constitution face à « la bêtise au front de taureau », nous empruntons le chemin du déblocage de la présidence. Dans l’impasse où nous nous trouvons depuis deux ans et demi sans chef de l’État, le seul recours efficace passe par notre réappropriation citoyenne de la Constitution. Sur la vacance présidentielle, elle est claire. À nulle autre pareille, la crainte de la « vacance présidentielle » s’y trouve citée trois fois dans ses quelque cinquante articles encore opératoires.
Nous avons de grands juristes dans le pays. Je cède la parole, au sujet de cette vacance meurtrière de toute institution, au professeur Lara Karam Boustany. Dans une remarquable étude publiée l’an passé, elle conclut qu’« il résulte des dispositions des articles 74 et 75 de la Constitution libanaise qu’en cas de vacance de la présidence de la République(…), l’Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau président et, une fois réunie pour procéder à l’élection, la Chambre(…) constitue un collège électoral et non une assemblée délibérante(…). Les textes sont clairs : il n’est pas nécessaire de convoquer les députés pour que la Chambre se réunisse, d’une part, et une fois réunie elle doit, toutes affaires cessantes, élire un président, ce qui l’empêche de combiner ce rôle avec un rôle législatif, d’autre part. »
D’ignorer cette clarté nous sommes tombés en 2006-08, et depuis 2014, dans l’obscurantisme constitutionnel : « La convocation de la Chambre des députés qui a lieu périodiquement (43 fois au dernier calcul de l’absurde) pour élire un président et l’ajournement du scrutin pour défaut de majorité des 2/3 sont contraires à la Constitution. En effet, l’article 74 prévoit qu’en cas de vacance de la présidence de la République(…), l’Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit », la convocation est donc superflue, la Constitution convoquant elle-même les députés !
L’argument de Mme Karam qui suit explique la profonde erreur dans la « pratique qui s’est installée » depuis la fin de la présidence de Michel Sleiman, car avant nous n’avions jamais eu un tel blocage, liant « la majorité requise au quorum exigé(…). Le quorum des 2/3 que l’on n’atteint pas à chaque séance n’a pas lieu d’être. L’article 49 de la Constitution a prévu le nombre de suffrages exigé pour être élu, il n’a pas prévu de quorum ».
Comme si les constituants de 1926 avaient envisagé la paresse des députés ou les sourdes manœuvres de torpillage intégral de la vie publique de quelques absentéistes irresponsables, « le Parlement étant expressément qualifié de collège électoral par l’article 75 de la Constitution, son rôle législatif n’a plus lieu d’être tant qu’il n’a pas élu le chef de l’État. Toutes les précautions constitutionnelles qui entourent l’élection du président et les différentes hypothèses envisagées par la Constitution permettent d’affirmer que, pour les constituants, l’élection présidentielle est une étape décisive qui ne doit pas être laissée au hasard. Les interprétations qui en sont faites non seulement violent les textes, mais les vident également de la logique qui les sous-tend ». Depuis la vacance présidentielle, la Chambre ne peut faire rien d’autre que d’élire un président. Je ne connais aucune autre Constitution dans le monde qui soit aussi précise à ce sujet.
Le Jour de la Constitution est à présent le jour de la République, rien de moins que la survie du pays. Le dernier mot revient à Lara Karam : « S’il ne peut exister une présidence de la République sans République, une République ne devrait pas exister sans président. »
Rendez-vous citoyen ce soir, 18h, en face du Nahar, en ce Jour I de la Constitution.