IMLebanon

Le Liban au cœur du balancier irano-US

La situation

Fady NOUN

C’est à une analyse politique en bonne et due forme que l’ambassadeur des États-Unis David Hale s’est livré hier, devant les journalistes, à l’issue de sa rencontre avec le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk. Ce dernier est invité aux États-Unis pour y parler coopération sécuritaire au plus haut niveau.
Le diplomate a commencé sa déclaration en s’en prenant violemment au Hezbollah, qu’il a accusé de fragiliser le Liban en en violant la politique de sanctuarisation, alors que « les débordements de terrorisme et d’extrémisme en provenance de la Syrie ne sont pas finis ».
La déclaration de M. Hale a retenti comme en contrepoint à celle que le député Nawaf Moussaoui a faite le même jour et dans laquelle il s’est félicité du succès enregistré par la politique iranienne dans tous les espaces où elle s’exerce. « C’est ce processus, qui se résume par le mot résistance (…), qui est le véritable acteur politique au Liban et dans la région. Nous sommes en passe de consacrer notre victoire sur tous les fronts où nous nous battons », a-t-il dit.
Vraisemblablement, les États-Unis ne sont pas les seuls à être irrités par ce discours. Dubaï aussi doit l’être, qui a traîné à accorder un visa d’entrée au ministre Hussein Hajj Hassan, un coup d’humeur que ce dernier a l’intention de soulever au cours du prochain Conseil des ministres.

 

Ravages
Le diplomate américain a par ailleurs passé en revue les ravages que la non-élection d’un président de la République opère à tous les niveaux dans le pays. Ainsi, il a parlé de la sévère récession économique que connaît le pays depuis mai dernier et du poids économique écrasant des réfugiés syriens au Liban. Il n’est pas difficile de constater, en outre, avec M. Hale que l’absence d’un chef de l’État paralyse l’exécutif, comme deux exemples l’illustreront.
On apprend en effet que le Conseil constitutionnel a ouvert hier, au greffe du Parlement, le délai réglementaire de 30 jours pour le dépôt des candidatures de ceux qui aspirent à succéder à ses membres actuels, dont le mandat expire le 5 juin prochain. Sachant par ailleurs que le Parlement élit 5 des dix membres du Conseil, tandis que le gouvernement nomme les cinq autres. Toutefois, les dix membres élus et nommés doivent prêter serment devant le président de la République, faute de quoi, ce sont les membres actuels qui continueront d’exercer leur mandat. De source proche du Conseil constitutionnel, on désespère d’avance de la possibilité des Libanais de pouvoir choisir, dans le climat politiquement délétère qui prévaut, dix nouveaux membres du CC.
Un autre exemple, plus proche, de la paralysie qui menace l’exécutif se présentera jeudi prochain, en Conseil des ministres. En effet, de fiévreux conciliabules sont en cours pour s’entendre sur les noms du président et des membres d’une nouvelle commission de contrôle des banques, à la Banque centrale, sachant que le mandat de la commission actuelle vient à expiration le 18 mars. La réunion du gouvernement, jeudi prochain, servira donc de test au gentleman’s agreement qui semble avoir permis la reprise de ses réunions. Qui vivra verra.
L’ambassadeur US a poursuivi sa déclaration en pressant les Libanais de « respecter leur Constitution » et d’élire un président sans attendre un « feu vert » de l’étranger. C’est en fait soulever le cas des dialogues en cours entre les deux hommes forts de la communauté maronite qui n’en finissent pas de faire des remarques et des remarques sur les remarques sur une déclaration d’intention politique qui circule depuis des semaines de l’un à l’autre et qui, de toute façon, ne prévoit rien sur le plan de la présidentielle.
Le diplomate américain a fini sur une note triomphante : celle d’une armée libanaise courageuse à laquelle les États-Unis ne feront jamais plus défaut et d’une nation qui, malgré ses désunions, est d’accord au moins sur le rejet du terrorisme et de l’extrémisme. On le suit volontiers sur ce terrain, sachant qu’une presse en mal de sujets soulève régulièrement le thème d’une « offensive du printemps » d’al-Nosra sur le front oriental.
Le danger existe, convient le général à la retraite Élias Hanna, cité par l’agence al-Markaziya, tout en relativisant la menace. Il y a des limites aux troupes qu’al-Nosra peut masser sur le front oriental, sans devenir vulnérable à l’artillerie et aux raids aériens, prévoit-il. Par ailleurs, le général Hanna assure que si l’armée s’est fait surprendre – avant de se reprendre – à Ersal, Tallet el-Hamra et Ras Baalbeck, elle en a retenu les leçons et ne tombera plus dans ce piège.