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Le Liban vit au rythme des menaces jihadistes

Entre la menace brandie contre les églises du Liban, la promesse de libération imminente faite aux prisonniers islamistes de Roumieh par leurs « frères » du Front al-Nosra et la perspective d’autres cellules dormantes ou en activité, le Liban frissonne et s’attend au pire.
Le renforcement des mesures sécuritaires autour de plusieurs bâtiments considérés comme « vulnérables » – les QG des FSI et de la Sûreté générale, ainsi que le ministère de l’Intérieur – reflète on ne peut mieux la tension et la peur qui règnent depuis quelques mois dans le pays.
Alors que nombre d’observateurs croyaient que la menace jihadiste était exclusivement dirigée contre les chiites et les milieux proches du Hezbollah, les convictions ont basculé hier après la menace formulée par les «Brigades des sunnites libres de Baalbeck » de s’en prendre aux églises du Liban si leurs cloches venaient à sonner.
Même si l’on hésite encore dans certains milieux à prendre au sérieux cette menace, surtout que personne ne détient à ce jour des informations précises sur ce groupuscule, les instances sécuritaires n’écartent pas la possibilité de voir les membres de cette formation passer à l’action.
Une source sécuritaire autorisée reconnaît qu’à ce jour, les seules informations que les autorités détiennent sont les multiples revendications faites par ces brigades qu’aucun autre groupuscule n’est venu démentir à ce jour, ce qui laisse croire qu’ils pourraient réellement exister et que la brigade, dont aucun membre n’a été arrêté à ce jour, n’est pas nécessairement fictive.
« Ils ont déjà revendiqué plusieurs attentats à la voiture piégée et tirs de roquettes. Rien ne les retiendra et ils pourraient bien s’en prendre aux églises », relève la source.
Selon un responsable haut placé, les soupçons sont dirigés vers les « Brigades de Ziyad Jarrah », mais l’enquête se poursuit et l’alerte est de mise.
En menaçant pour la première fois les lieux de culte chrétiens, ce groupuscule ne vise pas nécessairement une communauté précise, croit savoir le responsable. Il cherche tout simplement à saper les fondements de l’État là où il le peut afin de renflouer sa puissance en vue de maîtriser le terrain dès que possible.
Le terrorisme par définition ne peut prospérer que dans des États en faillite, comme c’est le cas en Syrie et en Irak, rappelle-t-il. Il s’en prend en premier et dernier lieu à l’État et à ses symboles qu’il veut anéantir pour pouvoir réaliser ses ambitions propres.
À ce jour, près de 20 personnes ont été arrêtées dans le cadre de la lutte antiterroriste renforcée depuis près de deux mois. Soit plus de cinq réseaux, dont quatre ont été démantelés par l’armée libanaise et plusieurs de leurs membres arrêtés, en plus de cinq commandants importants des Brigades de Abdallah déjà sous les verrous.
Hier, l’armée a de nouveau mis la main sur des charges explosives enterrées dans un terrain à Fnaydek, sur base d’informations recueillies auprès de Mahmoud Khaled, l’une des personnes arrêtées dans le cadre du réseau dirigé par Mounzer el-Hassan, toujours en fuite.
À ce jour, personne ne sait exactement combien de groupuscules ce dernier dirige et quelle est l’envergure des mouvements auxquels il fournissait armes, explosifs et soutien logistique.
« C’est la méthode israélienne des maillons télécommandés. Chacun exécute une mission sans pour autant savoir ce que fait l’autre maillon de la chaîne et qui est exactement aux commandes supérieures », confie une source sécuritaire.
La question qui reste toutefois posée est de savoir quelle est l’ampleur exact de ce phénomène au Liban. Une interrogation à laquelle personne ne peut répondre à ce stade.
Selon l’expert militaire, il faut examiner le phénomène dans sa globalité et dans ses caractéristiques propres pour comprendre son importance.
Il y a actuellement tout un climat social, politique et géostratégique qui le favorise, de l’Irak jusqu’au Liban, en passant par la Syrie et l’Arabie saoudite.
« Toute autorité qui utilise l’élément sécuritaire pour opprimer le peuple finit par en payer le prix », dit-il, en allusion aux méthodes utilisées par Nouri al-Maliki, notamment, qui s’est aliéné la majorité des sunnites, y compris les chefs de tribu et une bonne partie des chiites. Allusion également faite à Bachar el-Assad.
Selon ce spécialiste, la stratégie des jihadistes est la terreur couplée à la propagande. C’est la raison pour laquelle ils ne tardent jamais à signer leurs opérations en les revendiquant haut et fort. La propagande et le tapage médiatique auxquels ils recourent servent à leur conférer une plus grande envergure que celle qu’ils ont en réalité.
Ils cherchent en outre à faire parvenir à leur adversaire un message sanguinaire pour montrer leur puissance et faire pencher la balance en leur faveur, dit-il.
C’est sous cet angle qu’il faudrait peut-être comprendre l’appel lancé mercredi par l’émir du Front al-Nosra au Qalamoun, en Syrie, Abou Malek Chami, qui, dans un enregistrement sonore, a défié ouvertement l’État libanais, promettant aux prisonniers islamistes de Roumieh une « libération imminente ». Des menaces qui expliquent les mesures sécuritaires draconiennes imposées autour de ce lieu de détention depuis deux jours.
Selon une source sécuritaire, les mesures ont été prises non seulement à la lumière des récentes menaces d’al-Nosra, mais également à cause d’informations faisant état de la complicité de plusieurs prisonniers islamistes avec des jihadistes de l’extérieur. Les détenus, munis de téléphones mobiles à l’instar de la majorité des prisonniers, ont commandité plusieurs attentats et orchestré des vols et des rapts à partir de leurs cellules.
En soirée, les lumières devaient être braquées sur la manifestation à laquelle ont appelé des chefs religieux islamistes à Tripoli, une ville qui paye, depuis deux jours, le prix de son insoumission aux lois que tentent d’imposer les extrémistes. Lâchées par leurs représentants politiques sunnites au gouvernement et au Parlement depuis l’expansion du phénomène jihadiste dans le pays, les figures de proue islamistes tentent de remobiliser l’opinion publique sunnite par le biais de la rue. L’arrestation par les services de renseignements de l’armée il y a quelques jours de Abou Obeida Zahraman, accusé de terrorisme – un proche de cheikh Salem Raféi – risque d’alimenter, une fois de plus, le ressentiment contre la troupe, sans grand succès. Les Tripolitains sont d’autant plus blindés aujourd’hui qu’ils ne sont pas prêts à renoncer à la stabilité qu’ils viennent enfin de savourer. Ils ne sont pas prêts non plus à abandonner la ville aux mains des extrémistes, si l’on en croit un responsable sécuritaire.