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Le poids de la présidentielle pèse plus que jamais sur le dossier des nominations sécuritaires

 

Sandra NOUJEIM | 

Le pays vit au rythme de perspectives plus illusoires que réelles.

La première de ces perspectives est la bataille du Qalamoun, dont le Hezbollah annonce d’ores et déjà l’enjeu : la sécurisation définitive des villages libanais de l’Anti-Liban. Au-delà des informations contradictoires fournies hier sur le commencement de la bataille, signalé par un soi-disant retrait d’éléments armés – que le Hezbollah lui-même n’a pas confirmé –, cette bataille soulève, avant tout, la question de son éventualité.

Des milieux du Futur estiment carrément que « cette bataille n’aura pas lieu, l’urgence pour le régime syrien étant de contrôler Jisr al-Choughour afin de contrer la menace immédiate d’une percée de l’opposition dans la région alaouite ».
Si, de son côté, le député Jean Oghassabian relève « la présence manifeste, aussi bien militaire que logistique, du Hezbollah aux frontières », il rappelle en même temps le principe selon lequel « une bataille de cette envergure ne s’annonce pas ». « L’incertitude » de cette bataille entoure surtout ses objectifs. « S’agit-il de saper l’opposition syrienne, de sécuriser un couloir pour l’armée syrienne régulière entre Damas et le littoral, ou simplement de protéger la Békaa-Nord ? » se demande Jean Oghassabian, interrogé par L’Orient-Le Jour. En réalité, « cette bataille fait beaucoup de bruit pour rien : son enjeu est principalement moral, le Hezbollah étant en quête de victoires, aussi bien au Liban que sur le terrain syrien, où l’expansion géographique des forces de l’opposition est claire », estime le député du Futur, avant de rappeler le refus de son parti de toute substitution à l’armée dans sa mission de protéger les frontières. « C’est l’armée, avec l’aide éventuelle des forces onusiennes, en vertu de la 1701, qui est responsable de la sécurité des villages limitrophes », souligne-t-il, en réponse au président de la Chambre, Nabih Berry, qui avait affirmé hier au quotidien al-Hayat qu’il appuyait l’option d’une participation de l’armée aux côtés du Hezbollah et de l’armée syrienne régulière contre les jihadistes au Qalamoun. En tout cas, de nombreux observateurs se montrent sceptiques quant à ce partenariat Hezbollah-armée.

La sanctuarisation du Liban reste, pour l’instant, un objectif commun à toutes les parties libanaises, que chacune sert néanmoins par des méthodes différentes. Le leader du courant du Futur, Saad Hariri, multiplie ses initiatives diplomatiques à cette fin. Après Washington, il prévoit de se rendre en visite officielle à Moscou les 12, 13 et 14 du mois courant, puis au Vatican. Il rencontre demain, à Riyad, le président français François Hollande en marge du sommet du Conseil de coopération du Golfe.

Sa visite à Washington, la semaine dernière, rythmée de réunions avec des sénateurs démocrates et républicains, aura abouti à stimuler deux « prises de conscience », liées au souci américain de maintenir la sécurité au Liban. La première est « la nécessité d’accroître l’aide américaine à l’armée libanaise, et surtout d’un point de vue qualitatif, de manière à renforcer une éventuelle rétorque militaire aux frontières : drones, hélicoptères, matériels de vision de nuit… » souligne un député du Futur à L’OLJ, sans préciser toutefois si un délai temporel a été fixé à cette aide. Il convient de noter, dans ce cadre, que la coordinatrice pour le contre-terrorisme au secrétariat d’État américain, l’ambassadrice Tina Kaidanow, est arrivée hier soir au Liban. Le second point sur lequel Washington aura été sensibilisé, poursuit le député, est « l’incapacité du Liban à accueillir plus de réfugiés, au risque d’une explosion économique, sociale et donc sécuritaire ». Aucune mesure pratique n’est envisagée pour améliorer la gestion du dossier des réfugiés au Liban, la seule véritable issue étant de mettre un terme à la guerre syrienne. Encore faut-il que cette solution soit prioritaire dans les négociations entre l’Occident et l’Iran.
 
Au Liban, un certain optimisme avait accompagné des informations publiées samedi dans le quotidien ad-Diyar sur un accord présumé entre le Hezbollah, le Courant patriotique libre et le courant du Futur concernant la nomination du général Chamel Roukoz à la tête de l’armée, et qui préluderait au retrait du général Michel Aoun de la présidentielle.

Les milieux du Futur démentent que pareil accord ait même été négocié, tandis que les milieux du CPL préfèrent s’abstenir de tout commentaire à L’OLJ. Le député Simon Abi Ramia, membre du bloc du Changement et de la Réforme, avait affirmé, dans un entretien télévisé, qu’aucun « accord n’a été obtenu sur la nomination du général Chamel Roukoz ». Il a souligné en même temps que « le CPL n’a reçu aucune réponse négative concernant cette nomination ».

Pourtant, les milieux du Futur affirment n’avoir reçu aucune demande explicite de la part du CPL de soutenir la nomination du général Roukoz. « Nous n’opposons pas de veto à cette nomination, mais celle-ci voudrait dire que le général Michel Aoun renonce de facto à sa candidature », souligne le député Ahmad Fatfat à L’OLJ, reprenant la teneur de la position du chef du bloc du Futur, Fouad Siniora. Or, l’appui du CPL à la nomination du général Roukoz n’a jamais été officiellement formulé jusque-là, cet appui étant seulement présumé par la polémique relative au report de la retraite des responsables sécuritaires. D’ailleurs, le député Alain Aoun précise à L’OLJ : « Pour l’instant, nous demandons la nomination de nouveaux responsables sécuritaires. Si le principe de la nomination est concédé, nous désignerons notre candidat. » Il s’abstient de préciser l’identité de ce candidat.
Le ministre Nabil de Freige s’interroge pour sa part sur la source de l’information erronée d’ad-Diyar, et surtout sur l’objectif politique de cette source, qui chercherait peut-être à brûler, à l’avance, les chances du général Roukoz de prendre les rênes de la troupe. Dans ce contexte, le chef de cabinet de Saad Hariri, Nader Hariri, devrait se rendre aujourd’hui à Rabieh. Les milieux concernés restent très discrets sur cet entretien.

Vendredi, le chef du bloc du Changement et de la Réforme s’était entretenu, comme annoncé, avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Qualifiée de « très positive » par les milieux du CPL, qui rapportent « une entente parfaite sur tous les points, sans exception », cette rencontre survient pourtant sur fond de tensions liées au boycottage par les parties chrétiennes de la législation de nécessité, nouveau point de rencontre entre Samir Geagea et Michel Aoun. Un boycottage sur lequel le Hezbollah peine à dissimuler ses reproches à l’égard du chef du CPL. « Ces reproches s’adressent aux Kataëb et aux Forces libanaises », lance un député aouniste, sans grande conviction.

En attendant, tout le monde aura aujourd’hui les yeux rivés sur l’événement politique qui alimentera indubitablement toute l’actualité politique de la semaine, au moins : le témoignage de Walid Joumblatt devant le TSL.