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Le Quai d’Orsay dément toute implication de Paris dans l’expulsion du Liban de Romain Caillet

Accusé d’être un salafiste sous surveillance des SR de son pays, le chercheur français, converti à l’islam conservateur, explique à « L’Orient-Le Jour » qu’il était en contact régulier avec la DGSE.

Anthony SAMRANI, avec Matthieu KARAM et Élie MASBOUNGI (à Paris) | OLJ

Après son interdiction d’entrer en territoire libanais, au cours de la nuit de samedi à dimanche, le chercheur français Romain Caillet, expert sur les questions jihadistes, avait affirmé lundi à L’Orient-Le Jour « être persuadé » que son refoulement était dû à sa dénonciation du « Hezbollah et de ses pratiques au Liban ». De son côté, la Sûreté générale avait indiqué plus tôt que M. Caillet était « lié au terrorisme », sans donner plus de précisions.
L’affaire aurait pu alors s’arrêter là, mais les zones d’ombre qu’elle soulevait amenaient logiquement à de nouvelles interrogations. D’abord, pourquoi l’avoir empêché d’entrer en territoire libanais seulement maintenant alors qu’il y réside depuis déjà cinq ans ?
Ensuite, l’ambassade de France a-t-elle mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour défendre un chercheur français associé à l’institut de recherche français au Proche-Orient, l’IFPO ? Enfin, pourquoi un expert français dont les recherches concernent essentiellement les mouvements jihadistes sunnites aurait-il été refoulé par la Sûreté générale, d’après ses dires, pour ses critiques contre le Hezbollah ?
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un expert européen bien introduit dans les arcanes de la diplomatie française au Proche-Orient affirme que M. Caillet « était sous surveillance des renseignements français depuis plusieurs mois déjà ». Selon lui, M. Caillet serait « un salafiste qui aurait à plusieurs reprises, via ses tweets, fait l’apologie du terrorisme. Voilà pourquoi les protestations de l’ambassade de France n’étaient pas très virulentes », ajoute-t-il. Dans le même sens, une source proche des SR français décrit un « personnage controversé » qui pourrait effectivement avoir été mis sous la surveillance des renseignements français pour « tout un tas de raisons », parmi lesquelles des « affaires liées au terrorisme ».

Démenti du Quai d’Orsay
Concernant la question d’une possible coordination entre les services secrets français et libanais à propos de la la surveillance de M. Caillet, une responsable de la direction de la communication au Quai d’Orsay, interrogée par L’Orient-Le Jour, a répondu que « les autorités françaises n’avaient certainement pas demandé qu’une telle mesure soit prise à l’encontre d’un chercheur qui vit et travaille au Liban depuis plusieurs années » et que « la France n’avait aucune raison de demander son expulsion ». Sur le mutisme officiel de Paris sur cette affaire, la responsable, adjointe au porte-parole Romain Nadal, a affirmé que ce problème était traité sur place au niveau de l’ambassade de France et que rien n’avait été demandé au ministère des AE à Paris. « M. Patrice Paoli et son équipe traitent ce sujet avec le plus grand soin, et que, de son côté, M. Romain Caillet se défend très bien », a-t-elle ajouté.
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur son appartenance au courant salafiste et sur ses liens avec les jihadistes, Romain Caillet a répondu qu’il se considérait comme « un musulman sunnite conservateur, converti en 1997 », mais qu’il « n’appartenait à aucune tendance. Je n’idéalise plus aucun cheikh ou aucun courant de pensée depuis longtemps. Je suis amené à discuter avec des jihadistes dans le cadre de mon travail, mais je ne m’en suis jamais caché. On m’accuse d’avoir fait l’apologie du terrorisme, mais qu’on me montre juste où, quand et comment ? » argumente-t-il. « Je ne pouvais pas être surveillé par les services de renseignements français puisque, après mon arrestation à l’aéroport, la première personne que j’ai contactée fait partie de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure). » Selon lui, l’ambassade de France « a tout fait, pour au moins obtenir un sursis à cette décision, mais n’a reçu aucune réponse, ce qui équivaut clairement à un refus en langage diplomatique ». Accusé par certains de mettre de l’huile sur le feu, M. Caillet estime qu’il décrit simplement « l’hégémonie du Hezbollah sur le Liban. Ils cherchent probablement à me pourrir la vie », dénonce-t-il enfin.
Connu pour ses travaux sur les candidats français au jihad, David Thompson, reporter pour RFI et France 24, décrit pour sa part M. Caillet, avec qui il est en contact régulier, comme « un musulman conservateur qui n’a jamais fait l’apologie du terrorisme ».
En outre, une source haut placée à l’ambassade de France au Liban a affirmé, un peu gênée, n’avoir aucun commentaire à faire sur les croyances religieuses de M. Caillet. Et concernant sa mise sous surveillance par les renseignements français, elle a également répondu « qu’elle n’avait pas de commentaire à faire ».
Enfin, sollicité par L’Orient-Le Jour, le Hezbollah n’a pas souhaité répondre.
Reste une certitude : Romain Caillet continue depuis son expulsion de tweeter aussi régulièrement qu’avant.