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Le ramassage reprend, mais la solution d’urgence se fait toujours attendre

CRISE DES DÉCHETS

Quelles options pour les ordures de la ville de Beyrouth ? Rien d’autre pour l’instant que des propositions de solutions en commission ministérielle, réunie hier soir, comme l’exportation des déchets ou leur entreposage dans des terrains ou des carrières désaffectées.

Anne-Marie El-HAGE 

Le cafouillis le plus total. C’est le moins qu’on puisse dire sur la gestion dans l’urgence du dossier des ordures, alors que les camions de Sukleen continuaient hier d’acheminer les poubelles d’Achrafieh vers la Quarantaine, où elles étaient déversées à ciel ouvert et de manière sauvage dans un site de stockage à proximité des minoteries Bakalian. Et ce dans le cadre d’une solution dite provisoire à la crise. Une solution qui a poussé la minoterie à interrompre ses activités, comme l’assure l’agence d’information al-Markaziya, et à demander que les déchets soient déplacés sur-le-champ. En vain. Quant aux quatre autres sites supposés accueillir les déchets des autres quartiers de Beyrouth, le black-out est total sur leur emplacement. Dans cet état des lieux, et alors qu’aucune solution à court terme n’est en vue depuis la fermeture de la décharge de Naamé, c’est par milliers qu’ont surgi les sites sauvages d’ordures, à proximité des plages dans le Mont-Liban ou à Sin el-Fil, où le mouvement « Vous puez » a dénoncé un processus dangereux de stockage des déchets, voire d’enfouissement, photos à l’appui.

Chou blanc

Poussée par une population excédée et une société civile qui ne manque pas d’exprimer son ras-le-bol au quotidien dans les rues, la commission ministérielle chargée du dossier s’est réunie hier soir au Grand Sérail sous la présidence du Premier ministre, Tammam Salam, quelques heures après la séance du Conseil des ministres. Mais elle a fait chou blanc. Aucune solution donc pour l’instant, pas même dans l’urgence, alors que le pays se noie sous ses ordures.

Fort heureusement, la commission a décidé… de poursuivre ses réunions. « Nous vivons une catastrophe », constate à L’Orient-Le Jour le ministre du Tourisme, Michel Pharaon. Ce dernier, qui n’est pas membre de la commission, s’implique néanmoins dans cette affaire « qui touche à la sécurité des gens ». « En coordination avec le conseil municipal de Beyrouth, j’ai demandé que soit sérieusement étudiée l’option de transporter les ordures à l’étranger », indique-t-il. Mais l’optimisme n’est pas encore de mise. « Nous faisons du surplace », regrette-t-il.

Même pessimisme de la part du ministre d’État pour la Réforme administrative, Nabil de Freige, qui ne voit « pas de solution miracle », ni même la moindre « solution d’urgence ». Car aucune municipalité n’accepte que ses terrains soient transformés en décharge pour les ordures des autres régions. « Il faut pourtant trouver une solution provisoire de crise le temps que soit mis en place le plan national, pour ne pas laisser les ordures entre les habitations », martèle-t-il, précisant à L’Orient-Le Jour que Beyrouth, la banlieue sud et Bourj Hammoud n’ont pas de terrains disponibles. Par solution d’urgence, le ministre entend « un terrain qui pourrait être une carrière désaffectée où seraient déposées les ordures, quitte à les traiter, voire les empaqueter ultérieurement ». Mais les municipalités qui ont des terrains vides opposent « un refus catégorique » à une telle proposition. « Quant au tri, notre véritable problème, il ne constitue pas une solution d’urgence », souligne-t-il.

Alors pour l’instant et face à l’impasse, plus de 4 000 tonnes de déchets continueront d’être déversées tous les jours, non seulement à Beyrouth mais dans l’ensemble du pays où les municipalités se débattent, dans l’urgence.

Kfardebian se met au tri, Bourj Hammoud cherche

Si la crise s’éternise et s’aggrave, en cette période de grande chaleur, certains réagissent et prennent les devants. Comme la municipalité de Kfardebian, qui demande à ses habitants, par la voix de son président Jean Akiki, de trier leurs ordures dès aujourd’hui.

« Avis aux habitants de Kfardebian. Vu la crise des ordures, le système de collecte des ordures ménagères sera remplacé, dès le 31 juillet, par un système de tri des ordures ménagères mais aussi celles des hôtels, restaurants et commerces… Les déchets organiques, au même titre que les aliments, le papier et les mouchoirs, devront être jetés dans des sacs-poubelle. Ces derniers devront être déposés, bien fermés, dans les bennes à ordures qui se trouvent sur les routes principales. Quant aux autres déchets, comme les matières plastiques, le verre, le carton, l’aluminium et les métaux, ils devront être disposés dans des sacs différents pour être remis aux ramasseurs de la municipalité, chargés de les collecter une fois par semaine, ou à des usines de recyclage. Nous vous demandons de bien vouloir coopérer et d’appliquer les directives, dans le respect de la propreté et de la santé. »

(Infos pratiques : Qui contacter pour recycler les déchets triés)

Plus qu’une bonne nouvelle, cette circulaire montre la détermination de Kfardebian, décidée à réagir avec sérieux à la crise des ordures. À l’instar d’une délégation de la municipalité de Bourj Hammoud, accompagnée du député Hagop Pakradounian, qui s’est rendue à Saïda, à l’emplacement de la montagne de déchets, pour s’informer du travail effectué par l’usine de tri et de traitement des ordures de la ville et envisager peut-être d’en faire de même pour Bourj Hammoud.

Mais ces initiatives qui commencent à poindre risquent de ne pas aboutir, avec la politisation du dossier des ordures, et vu que les municipalités ne disposent pas des fonds nécessaires leur permettant de traiter leurs propres ordures. « Ce dossier est désormais au cœur même du conflit qui oppose les différentes parties politiques, rapporte une source ministérielle contactée par l’agence d’information al-Markaziya. Au point que ces parties ne se soucient même plus de la santé des gens ou de la propreté de l’environnement. Et pourtant, la crise des ordures est un problème écologique d’une grande gravité. »

Une chose est sûre. L’impasse est totale et la crise des déchets n’est pas près de finir.