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Le salon où l’on cause

 

La façon avec laquelle Nabih Berry exerce ses talents politiques représente à elle seule la quintessence de ce qui se fait dans le genre, dans le monde arabe en général et au Liban en particulier. Y a qu’à regarder comment opère le tenancier du Parlement pour être fixé sur la qualité des roitelets provinciaux qui nous gouvernent, assis chacun sur son caillou.

Assis est bien le mot, puisque quand il ne pose pas son auguste fessier sur le perchoir, place de l’Étoile, Istiz Nabeuh vit pratiquement reclus dans son clapier de Aïn el-Tiné, affalé dans son fauteuil et alignant les visiteurs. Beaucoup trop payé pour ce qu’il fait, mais pas assez pour ce qu’il s’emmerde, ce champion des emplois fictifs tient donc salon, la conscience torturée par l’avenir du Liban, sans se douter un seul instant que s’il y pensait moins souvent, ça nous ferait des vacances.
Parmi la tripotée de convives que parfois il nourrit à sa table, rien que des gens avec qui il est pratiquement d’accord. Le plus souvent des copains communautaires saupoudrés de quelques alibis chrétiens, venus l’écouter pérorer, muets comme des vases de Sèvres. On a beau scruter le biotope, pas un ordinateur à la ronde, pas une tablette tactile, encore moins un dossier de travail. En revanche, une belle guirlande de paumés arrivés les bras ballants, le rire épais, la panse triomphante, venus échanger quelques neurones pour faire croire qu’ils mitonnent quelque chose d’intelligent. Mais ça fait du bien, semble-t-il, et ça ventile le système nerveux.
Pour le reste, rien que de très ordinaire. Les journalistes sont parqués dans l’office avec les domestiques. Le maître de céans communique avec eux en lâchant des bulles épisodiques que les bien-pensants locaux qualifient de « sources ». Florilège cocasse : « La source a dit à la source qu’une autre source a confirmé les allégations de la source, laquelle avait démenti le démenti de la source précitée. » Pratique, pour quelqu’un qui veut planquer ses miches en attendant de voir la direction du vent dans la girouette.
Tiré de « La politique libanaise pour les nuls », 10 452 pages, édition reliée plein peau de fesse.