Les réunions parlementaires convoquées pour élire un président de la République sont devenues un non-événement, un rendez-vous périodique qui ne vaut pas le déplacement, même pour le président de la Chambre, Nabih Berry. C’est de Aïn el-Tiné que Nabih Berry annonce donc régulièrement le report de la séance et fixe la date de la suivante. Hier, il a choisi – exprès ou peut-être pas – la date du 23 septembre, celle-ci étant comme on le sait la date à laquelle normalement le chef de l’État, qu’on n’a toujours pas, entre officiellement en fonctions.
Dans le même ordre d’idées, l’initiative lancée par le 14 Mars à partir du Parlement, pour débloquer la présidentielle, peut elle aussi être considérée comme une non-initiative, puisque cette coalition a déjà plaidé au cours des mois derniers en faveur d’un candidat de compromis et avait tenté de convaincre le chef du CPL, le général Michel Aoun, de renoncer à sa candidature pour devenir un grand électeur qui pèserait dans le choix du futur président. Son candidat à la présidentielle, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, avait d’ailleurs lui-même annoncé en juin dernier qu’il était prêt à se retirer de la course à Baabda en faveur d’un candidat de compromis si le général Aoun en faisait autant.
Ce qui distingue cependant l’initiative annoncée hier des positions similaires adoptées dans le passé, c’est sa solennité, que ce soit au niveau du contenu ou de la mise en scène. C’est pratiquement un document officiel en quatre points, assorti d’un exposé des motifs, que le 14 Mars, représenté par le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, a présenté à ses collègues du camp adverse, entouré des députés représentant les principales composantes de la coalition.
Le 14 Mars insiste dans le texte sur le respect des délais et de l’alternance au pouvoir. Il se dit prêt à discuter avec l’ensemble des parties politiques libanaises pour essayer de s’entendre avec elles sur la personne d’un candidat consensuel, tout en soulignant son attachement à la candidature de M. Geagea qu’il maintiendra en cas d’échec des pourparlers.
Violence et polémique
En ce faisant, le 14 Mars a voulu initier une dynamique pouvant à terme conduire à un déblocage. Il envisage de former une délégation composée de ses principales forces, qui sera chargée des contacts avec les différentes parties politiques représentées au Parlement. Sa mission reste cependant tributaire de la réaction de la partie opposée. Or, celle-ci ne s’est pas fait attendre. C’est par un « non » tonitruant que le CPL a répondu en estimant, au terme de la réunion hebdomadaire de son bloc parlementaire, que la proposition du 14 Mars « n’a aucun sens » et en lui reprochant vivement de « ne pas vouloir tenir compte de l’initiative de salut proposée par le général Michel Aoun ». Par la voix de l’ancien ministre Sélim Jreissati, qui a donné lecture du communiqué du bloc, le courant du général Aoun a affirmé vouloir un président « qui corresponde à l’esprit du pacte national et qui détienne un projet complémentaire pour l’édification d’un État ». La réaction du bloc aouniste était d’une violence telle qu’elle a automatiquement entraîné une réaction tout aussi violente du Rassemblement de Saydet el-Jabal, également pris à partie dans le communiqué. Le Rassemblement a, entre autres, qualifié de « honteux » le blocage de la présidentielle.
Quant au Hezbollah, il s’est gardé comme à son habitude de prendre position. Dans ses milieux, on se contente ainsi d’indiquer que la proposition du 14 Mars est « sous étude », alors que du côté du président de la Chambre, le ton est autre. Favorable à l’initiative, Nabih Berry ne cache pas son exaspération face à l’intransigeance aouniste et au boycottage continu des réunions parlementaires électorales. Un pur suicide, selon lui, à l’heure où le pays se doit d’affronter un danger terroriste qui ne cesse de croître à ses frontières.
L’initiative annoncée hier au Parlement serait-elle ainsi mort-née ? D’aucuns le pensent en relevant encore une fois qu’il serait utopique de croire qu’un déblocage est possible tant qu’un rapprochement saoudo-iranien n’a pas eu lieu. Et cela, le 14 Mars en est parfaitement conscient, mais considère qu’il ne pouvait pas rester les bras croisés face à la paralysie qui affecte l’ensemble des institutions et à la montée du danger terroriste.
Pour certains, son initiative a sonné comme un appel au secours adressé à la communauté internationale. Mais pour l’heure, le Liban ne figure pas sur la liste des priorités des puissances occidentales, qui ont les yeux braqués sur ce qui se passe dans la région et en Ukraine.
De sources informées, on apprend cependant que la Vatican et la France suivent de près la situation dans le pays et ont engagé des concertations sur le dossier libanais. Un émissaire du Vatican aurait été reçu à cette fin à Paris il y a une dizaine de jours. Le nonce apostolique, le cardinal Gabriele Caccia, qui prend normalement ses vacances en août, serait resté cet été au Liban pour les mêmes raisons.
Le retour à Beyrouth du patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, qui a clôturé hier une visite au Vatican, est ainsi supposé donner une impulsion nouvelle au dossier de la présidentielle, de manière à donner plus de poids à l’initiative du 14 Mars. Ce dossier s’est imposé en force aux entretiens du chef de l’Église maronite au Saint-Siège qui n’exclut pas une médiation devant éliminer les obstacles qui se posent à l’élection d’un chef de l’État.