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Le vide évité, mais la vacance perdure

Élie FAYAD |

L’effondrement programmé de la République libanaise n’aura donc pas lieu de sitôt : c’est la leçon qu’il convient de tirer du verdict prononcé hier par le Conseil constitutionnel au sujet du recours en invalidation de la loi de prorogation de la législature, présentée par les députés du Courant patriotique libre.
Le CC a accepté le recours dans la forme, mais il l’a rejeté sur le fond, arguant en clair de la nécessité vitale de ne pas précipiter les institutions de l’État dans le vide. Dès le début, cela s’annonçait comme un aboutissement logique et une évidence, étant donné qu’on allait vers l’expiration de la législature sans que les élections législatives n’aient eu lieu. Si ce scénario-cauchemar n’avait pas été écarté in extremis, le Liban aurait officiellement cessé d’exister aujourd’hui en tant qu’entité étatique.

On se souvient que lors de la première prorogation du mandat des députés, en mai-juin 2013, les choses se présentaient différemment. À l’époque, il y avait nettement moins d’arguments convaincants en faveur de la non-tenue des législatives, et cela plaçait les magistrats du Conseil constitutionnel dans l’embarras de devoir trancher entre des approches politiques différentes. Il a fallu le défaut de quorum pour venir à bout des recours présentés alors, chacun de son côté, par le camp aouniste et le président de la République, Michel Sleiman.
Voici donc le CPL formellement débouté cette fois-ci par une instance avec laquelle il entretient depuis quelques années une vraie relation d’amour-haine. L’essentiel est donc pour l’instant sauvé, mais ce n’est que le minimum. Pour le reste, les crises du Liban – elles s’accumulent – semblent appelées à persister.

À commencer naturellement par le tunnel de la vacance présidentielle, dont on n’entrevoit toujours pas le bout. Les diplomates ont beau parler de concertations en cours à six (États-Unis, France, Vatican, Russie, Iran, Arabie saoudite) sur ce thème, le patriarche maronite a beau se démener dans tous les sens et exprimer quotidiennement devant ses visiteurs sa déception à l’égard des principaux leaderships chrétiens, jugés incapables de se mettre d’accord entre eux, rien ne laisse pour le moment espérer une élection prochaine d’un chef de l’État.
Une rallonge de plusieurs mois a été décidée pour les pourparlers sur le dossier du nucléaire entre l’Iran et le groupe des 5+1, ce qui donne à Téhéran une marge de manœuvre supplémentaire en ce qui a trait au redéploiement de ses cartes négociatoires, et l’on sait que la présidentielle libanaise en est une.

D’autre part, le Hezbollah ne semble nullement envisager pour l’instant un lâchage du général Michel Aoun, qu’il continue de préférer même à un candidat consensuel pouvant lui rappeler de près ou de loin le mandat Michel Sleiman, devenu un de ses cauchemars.
Signe de cette intransigeance, le Hezb a fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’ouvrir le dossier de la présidentielle dans le cadre du dialogue envisagé entre lui et le courant du Futur.

Jeudi soir, Saad Hariri avait entrepris de fixer des balises pour ce dialogue que prépare activement le président de la Chambre, Nabih Berry, avec le concours du chef du PSP, Walid Joumblatt. Mais de la feuille de route que le chef du courant du Futur a établie, seul le premier point est pour l’instant déclaré recevable par le parti de Dieu, à savoir la nécessité de réduire la tension entre sunnites et chiites. M. Hariri avait aussi parlé notamment de la nécessité de s’entendre sur la présidentielle, et plus précisément sur le principe de candidatures consensuelles.
On ne sait pas encore à quelle date pourrait commencer ce dialogue, s’il commence. Mais on parle déjà du lieu de sa tenue – le siège du Parlement – et des responsables qui y participeront : il s’agirait, dans un premier temps, de Hussein Khalil pour le Hezbollah et de Nader Hariri pour le Futur. Un représentant de M. Berry pourrait aussi y assister.

Mais pour revenir au dossier présidentiel, il convient de noter qu’une nouvelle donnée est venue aussi l’entraver : c’est le régime syrien qui, se rappelant au bon souvenir des Libanais, a signifié ces jours derniers à ses amis locaux son intention de peser sur l’élection.
Le Liban n’en a pas encore fini…