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Le vieux clivage sur le monopole de la violence a la peau dure

La ligne de clivage intérieure persiste sur la question des armes et du monopole de la violence légitime, transversale aux alliances politiques actuelles, selon la vieille polarisation 14 Mars-8 Mars. Cette polémique se cristallise maintenant autour des combats menés par le Hezbollah, avec l’armée syrienne, dans le jurd de Ersal contre les jihadistes de Fateh al-Cham, à l’heure où le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, annonçait hier « une grande victoire en quarante-huit heures » de son parti (voir par ailleurs). Le leader du Hezbollah a également précisé, à l’adresse de ses détracteurs, qui l’accusent d’agir selon un ordre du jour iranien lié aux événements en Syrie, que l’offensive émanait d’ « une décision purement interne ». Il a également invité l’armée à prendre possession des terrains conquis par son parti aux jihadistes syriens sitôt qu’elle en ferait la demande, en souhaitant que la troupe assume ses responsabilités.

Les formations souverainistes
Du côté des formations politiques souverainistes, outre les prises de position de MM. Samy Gemayel, Achraf Rifi et Dory Chamoun lors de leur réunion hier (voir par ailleurs), le député du bloc du Futur, Atef Majdalani, a souligné, à l’issue d’une rencontre à Meerab avec le président des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, que « l’armée et les forces de sécurité étaient les seules habilitées sur le plan constitutionnel et national à protéger les Libanais et les frontières ». « Tout le monde est d’accord sur le fait que l’État et l’armée constituent la seule autorité de référence en matière de préservation, de défense et de protection du Liban et des Libanais », a affirmé de son côté le député haririen Ammar Houri, soulignant que l’offensive du Hezbollah « sort du cadre de l’unanimité nationale ». « La position du courant du Futur à ce sujet n’a pas changé », a-t-il souligné, dans un entretien à la Voix du Liban 93.3. Un autre député du bloc du Futur, Khaled Zahraman, a été encore plus direct. « Les batailles du Hezbollah dans le jurd de Ersal portent atteinte au prestige et à la souveraineté de l’État », a-t-il indiqué dans un entretien à la radio al-Fajr, accusant le parti chiite d’agir de manière unilatérale et pour le compte de Téhéran.
Les FL ont pour leur part publié une mise au point à des propos attribués hier à leur leader dans le quotidien al-Akhbar faisant l’éloge de l’action menée par les miliciens du parti. Les FL ont accusé le quotidien d’avoir dévoyé les propos de M. Geagea « à des fins politiques bien connues ». Selon le communiqué, la position du chef des FL est la suivante : l’opération du Hezbollah aura certes des répercussions bénéfiques sur le Liban dans la mesure où elle va reposer les villages frontaliers et l’armée. Cependant, le problème de fond reste que le parti chiite agit de son propre chef et sans l’aval du gouvernement libanais. « Nous ne voulons pas d’organisations paramilitaires qui agissent de manière unilatérale », souligne le communiqué FL, avant de condamner à nouveau l’expédition syrienne du Hezbollah. D’autant, a-t-il ajouté, que « le projet du Hezbollah est beaucoup plus vaste que le Liban, qui n’est qu’une petite province » selon sa doctrine idéologique. En résumé, si la mise au pas des jihadistes est bénéfique pour le Liban, le Hezbollah ne l’a pas fait dans une optique souverainiste libaniste, mais au service d’un projet idéologique régional, souligne le communiqué FL, « comme lorsqu’il a libéré le Liban-Sud d’Israël ».

Ouverture da

Le camp Damas-Téhéran
À l’opposé, les formations proches de Damas et de Téhéran se sont félicitées hier de l’avancée effectuée par les miliciens du parti chiite dans le jurd de Ersal, dans un souci manifeste de lui assurer une couverture politique et une légitimité libanaise.
« L’exploit accompli dans le jurd de Ersal est dans l’intérêt de tous les Libanais », a ainsi affirmé le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich (Hezbollah). « Les voix discordantes qui cherchent à salir la pureté de cette scène nationale magnifique de solidarité interlibanaise ne représentent ni la conscience ni la conviction des Libanais, d’autant qu’elles mettent en doute depuis le début le rôle de la résistance, voire même de l’armée, lorsque cette dernière a mené des opérations préventives pour préserver la sécurité nationale », a-t-il indiqué. « Nous aurions préféré que ces voix se taisent durant cette opération, sans se mettre dans la peau des parties lésées par la défaite de ces groupes (…). Pourquoi choisissez-vous toujours le mauvais timing et les mauvaises positions qui vont à l’encontre de l’intérêt des Libanais ? Nous avons pitié de vous », a ajouté M. Fneich.
Le président de la Chambre, Nabih Berry, a affirmé, de son côté, lors de ses audiences parlementaires traditionnelles du mercredi à Aïn el-Tiné, que « la libération du pays est un acte constitutionnel et sacré » et « un devoir national ». « Ersal est chère et mérite l’action libératrice », a-t-il indiqué.
Si le Baas et le Parti démocrate libanais ont également exprimé un fervent soutien à l’opération du Hezbollah, des responsables du Courant patriotique libre (CPL) sont montés au créneau pour affirmer que « l’erreur historique » incombait aux parties qui, au sein du cabinet Salam, « avaient fait obstacle à une opération de l’armée libanaise à Ersal et dans le jurd », comme l’ont affirmé hier le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, et l’ancien vice-président du Conseil, Élias Bou Saab.