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Leçon de Français

Barrage, mobilisation républicaine. Pour longtemps encore sans doute, ces mots domineront le discours politique en France : à peine passé le cap des élections régionales, c’est en effet la présidentielle de 2017 qui accapare déjà les esprits.
Mobilisation républicaine, barrage : la recette a largement fait ses preuves lors du scrutin de dimanche dernier, face à un Front national diabolisé de toutes parts, mais que paraissait devoir favoriser la Grande Peur suscitée par les attentats terroristes de novembre. C’est vrai que le débat partisan ne volait pas toujours bien haut. Mais devant la gravité et l’imminence du danger, droite et gauche n’ont pas attendu les classiques reports de voix, de rigueur au second tour, pour se livrer à un consciencieux échange de bons procédés : candidats socialistes et républicains n’hésitant pas à se retirer de la course au bénéfice de ceux d’entre eux qui avaient le plus de chances de l’emporter sur l’adversaire commun.
Il fut un temps où la démocratie libanaise en était encore une et savait, elle aussi, user de la pratique du barrage comme de la mobilisation républicaine. Par une curieuse coïncidence, la dernière illustration en date est l’élection, à une seule voix d’écart, par l’Assemblée nationale, du président Sleiman Frangié, grand-père de l’actuel prétendant au titre. À l’époque, les trois principaux leaders maronites du pays, tous candidats au demeurant, s’étaient effacés devant l’outsider centriste, car c’était là le seul moyen de mettre fin au règne des services de renseignements militaires qui sévissaient sous le chéhabisme.
Il ne faut pas voir dans cette évocation historique une quelconque invite à l’unanimité autour de l’actuel leader maronite du Nord, mais plutôt un appel désespéré au retour à la rigueur constitutionnelle. Car Sleiman Frangié, membre éminent du 8 Mars et ami personnel du président syrien Assad, n’est pas, pour l’heure du moins, le candidat de compromis que se plaît à marketer le chef du courant du Futur. Il pourrait l’être s’il se libérait publiquement de certains de ses engagements les plus criants. En attendant, et si compromis il y a, il ne vaut en réalité que pour le seul Saad Hariri, qui espère de la sorte regagner et le pays, et une part de pouvoir. C’est d’autant plus étrange que les candidats de réel compromis ne manquent guère, si seulement on voulait bien se plier aux règles du jeu démocratique.
C’est là qu’il nous faut envier avec le plus de vigueur aux Français ce concept de mobilisation républicaine qui a si bien joué, lui, aux élections régionales. Tout à leurs ambitions délirantes, les tristes vedettes du drame présidentiel ne semblent guère se rendre compte qu’il y a bien davantage que leurs carrières à sauver, et c’est la République.
La République avec ses codes, ses astreintes, son manuel de fonctionnement dont il leur faut refaire l’apprentissage à partir de zéro. La République avec sa terre, ses eaux et ses frontières, tous trésors criminellement négligés à l’heure où, tout autour de nous, se font et se défont les États.