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L’EI étend le théâtre des combats avec le Hezbollah dans le nord de la Békaa

Béchara MAROUN et Matthieu KARAM

Alors que la plupart des combats menés par le Hezbollah à la frontière libano-syrienne se déroulaient jusqu’ici contre le Front al-Nosra, dans la région du Qalamoun, c’est le groupe État islamique (EI) qui a fait monter la tension d’un cran dans la région, en menant un assaut contre la milice chiite à l’aube de mardi, sur de nouveaux théâtres de combats. Pour la première fois, les deux formations se sont affrontées dans les jurds du Qaa et de Ras Baalbeck, deux zones chrétiennes de la Békaa septentrionale, au nord de Ersal.
Selon la chaîne al-Manar, organe du Hezbollah, les combattants de ce parti ont contré l’assaut lancé depuis la région du Kahf, à l’est du jurd de Ras Baalbeck, et visant ses positions à Qornet el-Samarmar et Qornet el-Mazbaha dans le jurd de Ras Baalbeck, longeant la frontière. Les combats, décrits comme « violents », se sont même étendus jusqu’à la région de Naamate, dans le jurd du Qaa, et auraient fait des victimes dans les deux rangs.
Le parti chiite aurait ensuite mené une offensive et détruit en matinée cinq véhicules appartenant aux jihadistes de l’EI à Zoueitiné et Jeb al-Jarad, ainsi qu’un site de lancement de roquettes à Qornet al-Kaf.
En soirée, al-Manar a rapporté qu’un des « émirs » de l’EI et plusieurs de ses dirigeants ont été tués après une attaque avortée du groupe dans le jurd de Ras Baalbeck. Quatorze corps seraient aux mains du Hezbollah, selon al-Manar.

Parallèlement, dans le jurd de Ersal, le Hezbollah a affirmé avoir ciblé un rassemblement de combattants de l’EI. L’un des dirigeants du groupe extrémiste au Qalamoun, présenté comme étant un ressortissant saoudien, Walid Abdel Mohsen al-Omari, aurait été éliminé dans l’attaque. Le parti chiite a également visé un rassemblement d’individus armés à Chaabet el-Mahbas, dans le jurd de Ersal. Il a également fait des victimes dans les rangs des jihadistes en plantant des mines dans les hauteurs de Ras Baalbeck.

Si de nombreux médias ont fait état de trois morts dans les rangs du Hezbollah – Rawad Mokdad, de Lassa (Jbeil), Alouane Yassine Jaafar, de Fissane (Hermel), et Mahdi Hassan Jaafar, de Chaat (Baalbeck) –, un député de Baalbeck-Hermel, Ali Mokdad, membre du bloc du Hezbollah, a affirmé en soirée à L’Orient-Le Jour que six hommes du Hezbollah sont tombés dans les combats d’hier, parmi lesquels son cousin qui a été inhumé le jour même. « Les habitants de la région du Qaa et de Ras Baalbeck ne sont pas très inquiets, a-t-il déclaré. Après les combats d’aujourd’hui, ils sont certains que le Hezbollah est capable de repousser les jihadistes. La plupart des habitants de Ersal aussi savent aujourd’hui que ces victoires sont pour l’ensemble du Liban et non pas uniquement pour défendre cette région de la Békaa. »

Un réconfort apporté surtout par l’armée
Face à ce regain de tension, les habitants des bourgades du Qaa et de Ras Baalbeck, à l’abri des combats, se disaient pourtant inquiets, mais semblaient réconfortés par l’armée qui a renforcé sa présence hier dans la région. Les hélicoptères de la troupe ont en effet bombardé hier les jihadistes dans le jurd de Ras Baalbeck et les soldats se sont également déployés en masse au Qaa.

« Depuis ce matin, nous pouvons entendre les bruits des combats et des détonations qui ont lieu dans le jurd du Qaa », a raconté à L’Orient-Le Jour le père Élian Nasrallah, qui réside dans cette bourgade. Il a expliqué toutefois ne pas percevoir le lieu exact des affrontements, en raison des collines qui séparent le jurd de la ville. « L’armée a renforcé sa présence à l’intérieur du Qaa et dans les environs, sans toutefois dresser des barrages, a-t-il ajouté. Il y a beaucoup d’engins blindés sur place, et cela nous rassure. Nous sommes plus sereins depuis le déploiement massif de l’armée dans la zone, il y a un mois et demi déjà. » Le père Nasrallah a expliqué par ailleurs que les éléments du Hezbollah ne se trouvent pas dans la ville de Qaa, assurant qu’« ils sont positionnés dans le jurd environnant seulement ». « Les habitants vaquent à leurs occupations dans la ville, mais évitent de se rendre à l’extérieur », a-t-il encore fait remarquer.

À Ras Baalbeck, même son de cloche de la part d’un habitant qui a préféré garder l’anonymat. « Tout est normal, les examens du brevet ont eu lieu aujourd’hui, moi-même j’ai assisté à des funérailles dans l’église du village, et les commerces sont ouverts, a expliqué cet homme. Mais nous pouvons entendre les bruits des obus qui s’abattent sur le côté est du jurd de la ville. » Confirmant également un renforcement des positions de l’armée dans la zone, il a déclaré : « Seule l’institution militaire peut nous protéger, et nous sommes confiants en ses capacités, a-t-il assuré. De toute manière, nous n’avons pas vraiment le choix. Il s’agit de nos terres, et nous y resterons. Soit nous resterons dans nos maisons, soit nous finirons au cimetière du village. »

Les craintes de Ersal
À Ersal, où la situation était pratiquement normale hier, un cheikh sunnite a fait état d’une certaine inquiétude parmi les habitants. « La situation nous fait peur, a-t-il déclaré à L’Orient-Le Jour. Nous craignons surtout que l’EI soit complice du régime syrien et qu’il ait tenté mardi, en attaquant le Hezbollah dans les régions du Qaa et de Ras Baalbeck, d’entraîner l’armée libanaise dans ce conflit. Nous craignons en fait qu’ils ne répètent ce scénario à Ersal afin d’embraser la ville. »
Affirmant que les jihadistes sont pratiquement arrivés à la plaine du Qaa, venant du nord, il a expliqué que « les habitants de Ersal répètent sans cesse qu’ils sont prêts à accueillir l’armée dans leurs propres maisons, mais qu’ils préfèrent mourir que de voir d’autres formations pénétrer dans la localité… »