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Les clivages restent entiers à quelques jours de la réunion marathon du dialogue

Philippe Abi-Akl

Le président de la Chambre, Nabih Berry, réussira-t-il, au cours de la séance marathon du dialogue national prévue les 2, 3 et 4 août à Aïn el-Tiné, à défricher le terrain face à l’organisation de la présidentielle ou se heurtera-t-il encore une fois à l’obstination de ceux qui empêchent la tenue de l’élection tant que leurs conditions pour cela ne sont pas acceptées ?
Il s’agira de la 21e séance de dialogue national, celle que de nombreux hommes politiques considèrent comme étant charnière, suivant le principe « ou ça passe ou ça casse ». Si jamais cette réunion reste sans fruits, d’aucuns estiment qu’il sera difficile pour les hommes politiques libanais de parvenir à un consensus sur les sujets au cœur du débat politique.
Ces derniers restent divisés quant à l’ordre du jour de la réunion marathon qui s’ouvrira donc mardi prochain et au cours de laquelle Nabih Berry proposera l’examen d’une série de solutions sur le modèle d’un Doha libanais.
Il y a, d’une part, une partie du 8 Mars qui voit dans l’initiative du président de la Chambre une mesure fondamentale de nature à provoquer « une percée » au niveau de la paralysie politique et à paver la voie à l’accession, le 8 août, du chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, à la tête de l’État. Ces derniers se fondent dans leur analyse sur les changements qui interviennent au niveau de l’équilibre des forces dans la région et qui pourraient jouer en faveur du général Aoun et amener les forces du 14 Mars à accepter sa candidature. Une autre partie du 8 Mars estime au contraire que le différend porte principalement sur la présidence du Conseil, à savoir sur la personne à nommer à ce poste, une fois un nouveau président élu, ainsi que sur ses prérogatives, dans la mesure où celles-ci ont fini par accaparer les compétences arrachées à la présidence de la République et dévolues au Conseil des ministres.
Il y a d’autre part le 14 Mars qui est hostile à un examen de la présidentielle dans le cadre d’un package deal qui englobera la loi électorale et la présidence du Conseil. Ce camp insiste toujours sur le fait que chaque dossier doit être traité à part et reste foncièrement attaché à l’accord de Taëf, dans la mesure où cet accord est fondé sur un équilibre bien pensé et ne doit pas être fragilisé en le rendant tributaire des changements qui interviennent au niveau des équilibres de forces, que ce soit au niveau local ou régional, comme l’avait relevé l’ancien député Farès Souhaid.
Dans les milieux du 14 Mars, on exclut l’élection d’un nouveau président le 8 août, durant la 43e réunion convoquée au Parlement à cette fin, partant du principe que rien n’a réellement changé, notamment au niveau du comportement du Hezbollah, qui continue de faire assumer à ses adversaires politiques la responsabilité du blocage de la présidentielle, rien que parce que le courant du Futur maintient son soutien à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, au détriment de celle du général Aoun.
Dans ces milieux, on affirme l’attachement de toutes les composantes du 14 Mars à l’accord de Taëf, fondé sur l’équilibre et la parité entre les musulmans et les chrétiens. Celles-ci sont opposées à son amendement ainsi qu’au moindre changement au niveau de la structure politique du pays, qu’il s’agisse de la création d’un nouveau poste, celui d’un vice-président, qui serait évidemment dévolu aux chiites, d’une modification de l’appartenance communautaire du commandant en chef de l’armée ou d’autres mesures que le Hezbollah juge fondamentales pour « corriger » ce qu’il considère être le déséquilibre généré par Taëf, dans la mesure où l’équilibre des forces dans le pays n’est plus ce qu’il était lorsque cet accord avait été signé (1989).
Dans cet ordre d’idées, un député du 8 Mars ne se gêne pas pour demander au camp adverse pourquoi son groupe devrait faciliter l’élection d’un chef de l’État, la redynamisation de Taëf et la nomination d’un nouveau chef du gouvernement, qui pourrait être Saad Hariri, sans en encaisser le prix et sans obtenir des acquis qui permettraient de rééquilibrer le pouvoir de manière à renforcer la participation de toutes les composantes du pays à sa gestion.
Le bras de fer autour de la présidentielle reste donc entier. Certains observateurs misent encore sur des développements dans la région qui pourraient avoir une influence quelconque sur ce dossier. Ils mettent l’accent sur le fait que si le Liban reste sans président jusqu’en novembre, c’est-à-dire jusqu’à la présidentielle américaine, le vide s’étendra jusqu’au printemps prochain, à moins que l’administration du président Obama n’œuvre pour une percée au niveau de ce dossier qu’elle pourrait exploiter lors des élections.