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Les leurres du calendrier

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8 mars, 14 mars : deux dates évocatrices de marées humaines déferlant, il y a onze ans, sur le centre-ville de Beyrouth ; deux repères espacés de quelques jours seulement, mais que tout un monde sépare ; deux dates érigées en symboles, et même en noms de baptême, en appellations d’origine contrôlée par les factions en présence.

Depuis les séismes de 2005, le temps n’a pas manqué de faire son œuvre. Mais il ne l’a fait qu’à moitié. Car si des lézardes, et par la suite des brèches, ont tout de même fini par apparaître dans l’un et l’autre des deux édifices, elles n’ont guère hâté une quelconque entreprise de reconstruction générale ; elles n’ont fait que traduire, à des degrés divers, une double érosion,une décomposition en rigoureux parallèle.

Le 8 Mars n’a rien perdu, c’est vrai, de sa capacité d’intimidation et de chantage, laquelle repose essentiellement sur l’armement du Hezbollah. Or, de la vaste coalition de forces demeurées loyales à la Syrie, que reste-t-il, sinon une milice tentaculaire et répudiée désormais par un monde arabe quasi unanime ? Parce qu’en réalité elle ne veut pas de président du tout, c’est en salle d’attente qu’est confiné le candidat officiel et principal allié chrétien de cette dernière, le général Michel Aoun. Et c’est sur les terres d’en face que s’en est allé batifoler son deuxième allié maronite Sleiman Frangié, nommé par l’adversaire en chef, Saad Hariri, pour l’oscar présidentiel.

Au plan communautaire, on voit le président de l’Assemblée Nabih Berry bétonner chaque jour un peu plus la niche centriste qu’il s’est aménagée, de concert avec le leader druze Walid Joumblatt. Il est permis de croire enfin que la coûteuse équipée militaire du Hezbollah en Syrie, où celui-ci s’est porté au secours d’un régime condamné à plus ou moins long terme, est de moins en moins populaire dans les rangs de la population chiite.

À force de concessions rarement payées de retour, le 14 Mars, quant à lui, n’aura géré que de médiocre manière l’immense potentiel que représentait la révolution du Cèdre. Particulièrement remarquables sont les développements survenus ces dernières semaines. Le plus significatif est le désaccord apparu entre le courant du Futur et son premier allié chrétien, les Forces libanaises, sur un dossier aussi capital pourtant que l’élection présidentielle ; d’action en réaction, deux composantes majeures du 14 Mars se seront
paradoxalement retrouvées parrainant des poulains de l’écurie rivale. Puis se sont déclarés, coup sur coup, un début de fronde parmi les éléments les plus radicaux de la rue sunnite et la crise surgie entre le Liban et l’Arabie saoudite : tous deux phénomènes qui semblent avoir commandé le retour précipité au pays de Saad Hariri.

Dans le contexte actuel, le plus inquiétant demeure cependant cette bipolarisation aiguë dont se trouvent prisonnières les deux branches de l’islam libanais. Ce n’est certes pas la première fois dans l’histoire de notre pays que les communautés religieuses trouvent – ou pire encore, sollicitent – protection au-delà des frontières. Mais c’est bien la première fois que les allégeances, ici à l’Iran et là à l’Arabie saoudite, revêtent un caractère aussi prononcé, aussi flagrant.

Ceux qui, sous le regard vigilant des metteurs en scène, tiennent aujourd’hui les premiers rôles au Liban ont oublié la qualité première de tout acteur : l’improvisation hors texte. Le panache.