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« Les mois difficiles », selon Nasrallah

 

DÉCRYPTAGE

  

« Nous avons devant nous des mois difficiles. » Lorsque le secrétaire général du Hezbollah a lancé cette phrase dans un de ses derniers discours, il ne croyait pas si bien dire. L’un des chefs militaires du parti, Moustapha Badreddine, n’avait pas encore été tué, mais Hassan Nasrallah avait déjà compris que pour le Hezbollah, la situation allait devenir de plus en plus complexe. Alors que le Liban est plongé dans des élections municipales présentées comme des batailles existentielles, la situation dans la région se complique de jour en jour. La réunion de Vienne sur le dossier syrien s’est terminée sur un quasi-constat d’échec face à l’incapacité des deux délégations de trouver le moindre terrain d’entente. Ce qui laisse supposer que les combats qui font rage dans ce pays depuis plus de 5 ans vont se poursuivre et même connaître des développements dramatiques au cours des prochains mois. L’accord russo-américain dont il avait été question en avril entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays, Sergueï Lavrov et John Kerry, et qui était supposé mettre la solution politique sur les rails semble compromis. Un diplomate occidental en poste à Beyrouth a ainsi précisé que le vent d’optimisme soulevé par l’accord russo-américain est en train de se dissiper, les opposants à cet accord ayant réussi à le vider de son contenu et surtout à gagner du temps pour empêcher l’actuel président américain, jugé trop mou dans les dossiers du Moyen-Orient, de parrainer la solution. Lorsqu’on lui demande qui il vise en parlant des opposants à cet accord, le diplomate occidental parle de l’Arabie saoudite, de la Turquie et même d’Israël, qui, selon lui, ne serait pas disposé à faciliter un accord en Syrie s’il ne reçoit pas une solide compensation. Si l’Arabie saoudite et probablement la Turquie exigent, comme prix d’une solution en Syrie, la tête du président syrien Bachar el-Assad, Israël, lui, pourrait bien vouloir celle du Hezbollah. Et c’est là que les choses se compliquent pour le Liban.
Selon des sources proches du 8 Mars, le Hezbollah fait actuellement face à une véritable « guerre douce » destinée à l’affaiblir sur le plan économique et à l’isoler politiquement en exerçant des pressions à la fois sur la base chiite, à travers les nouvelles mesures bancaires qui ne touchent pas directement les membres du Hezbollah, mais ses nombreux sympathisants au sein de cette communauté et sur ses alliés sur le plan interne. C’est dans ce contexte que les sources proches du 8 Mars placent la vaste campagne menée contre le général Michel Aoun dans les élections municipales, notamment au Mont-Liban. Tout au long de la journée de dimanche dernier et même dans les jours qui l’ont suivie, les médias n’avaient d’yeux que pour le CPL.

Chaque déclaration de l’un de ses cadres était passée au crible, chaque mouvement de la base était largement commenté et les résultats interprétés de manière négative pour Michel Aoun et ses partisans. Selon un cadre du CPL, ce courant a remporté la bataille municipale à Jounieh, et malgré cela, les médias parlent d’une victoire à la Pyrrhus, d’une demi-victoire ou même d’une victoire au goût de défaite. Plus encore, certains d’entre eux ont titré sur « la fin du mythe du président fort ». Qu’auraient-ils donc dit de plus si le CPL avait perdu la bataille à Jounieh ? Cette formation et son chef auraient été quasiment lynchés par les médias. C’est dire combien tout ce qui touche à cette formation est toujours interprété de façon négative.
Cette attitude systématiquement critique des médias à l’égard du CPL ne serait toutefois pas innocente ni fortuite. Elle s’inscrirait dans la volonté de briser son alliance avec le Hezbollah pour isoler ce parti sur la scène politique et sociale interne. Le Hezbollah est donc conscient qu’il fait actuellement face à une période particulièrement critique au cours de laquelle l’étau se resserre autour de lui sur tous les plans. Mais ce qui reste flou, c’est l’objectif de cette campagne menée contre lui. S’agit-il de le pousser à retirer ses combattants de Syrie, ou de l’obliger à lâcher la candidature du général Aoun pour la présidentielle et à accepter ainsi un compromis sur ce dossier ?
Ou les deux ? S’il renonce à la candidature du général Aoun, l’étranglement financier dont sont victimes ses sympathisants sera-t-il allégé ?
Toutes ces questions font l’objet de débats internes au sein du parti. Mais selon les sources proches du 8 Mars, la tendance est de croire qu’il s’agit d’un plan beaucoup plus large qui vise non seulement à briser le Hezbollah, après l’échec de la tentative menée par Israël dans le cadre de la guerre de juillet 2006, mais aussi à détruire l’esprit de la résistance dans l’ensemble du monde arabe.