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Les mystères de l’EIIL et la main des États-Unis…

L’imbroglio irakien continue d’occuper les chancelleries du monde entier, soucieuses de comprendre les réelles motivations de l’EIIL qui a proclamé son califat sous la houlette du calife Ibrahim (Abou Bakr el-Baghdadi). Ce groupe a-t-il son agenda propre ou est-il manipulé par des parties internationales ou régionales ? Où s’arrêtera-t-il ?

Les questions sont multiples et d’autant plus actuelles que le groupe s’est empressé de désigner un émir pour le Liban, Abdel Salam al-Ourdouni. Cet homme, qui a été détenu à la prison de Roumieh avant d’en être sorti dans des circonstances mystérieuses, est aujourd’hui activement recherché par les services libanais, même s’ils ont peu de chances de le retrouver, car, en raison de ses nouvelles fonctions, il doit être bien protégé soit dans un camp palestinien, soit quelque part sur la portion de territoire syrien contrôlée par l’EIIL. Les services de sécurité déploient actuellement beaucoup d’efforts pour tenter de surveiller les camps palestiniens. Ils avaient compté sur le déploiement d’une force interpalestinienne dans le camp de Aïn el-Héloué pour couper court à d’éventuelles tentatives de déstabilisation. En principe, un accord avait été conclu à ce sujet, avec l’Autorité palestinienne et entre toutes les autres organisations, notamment le Hamas, pour qu’une force de 160 hommes se charge de la sécurité dans le camp et empêche les éventuels fauteurs de troubles d’agir.

Azzam Ahmad avait été même dépêché par l’Autorité palestinienne au Liban pour superviser le déploiement de la force dans le camp. Mais il n’a jamais eu lieu pour des raisons qui n’ont pas encore été divulguées et, en tout cas, la force n’aura pas accès au quartier des « Tawarek » où se cachent les groupes extrémistes. C’est dire qu’en dépit de la bonne volonté déclarée de l’Autorité palestinienne et du Hamas, les zones d’ombre demeurent multiples et les services de sécurité maintiennent leur état d’alerte, sachant que les développements en Irak et en Syrie n’ont pas fini de surprendre tout le monde.
S’il est certain que certaines parties en Arabie saoudite ont cru pouvoir profiter de la percée de l’EIIL en Irak pour mettre en difficulté l’Iran et couper le lien territorial entre Téhéran, Damas et le Sud-Liban, il est aussi vrai que la soudaine proclamation par l’EIIL du califat islamique a pris de court les dirigeants saoudiens. Pourtant, dans le discours fondateur de ce califat, le porte-parole du calife Ibrahim n’a pas mentionné « les royaumes » (ni Israël d’ailleurs) comme faisant partie du califat islamique, se contentant de parler des émirats du Golfe, de la Syrie, de la Jordanie et du Liban, en plus de l’Irak bien sûr. Certains analystes ont voulu mettre en cause l’authenticité de cet enregistrement vocal, mais les spécialistes des mouvements extrémistes islamistes sont formels, le califat islamique est bel et bien né, et en principe tous les musulmans devraient s’y rallier. Avec les fonds et les armes pris en Irak, cet État est même viable et il ne lui manque plus qu’un accès à la mer via la Jordanie.
Malgré cela, des forces politiques au Liban et ailleurs continuent à ne pas croire à la réalité de la menace que représente l’EIIL pour l’ensemble de la région. Ces forces sont convaincues que l’EIIL est un « géant aux pieds d’argile », qui a un rôle à jouer pour l’instant mais qui quittera la scène une fois sa mission accomplie. Certains éléments pourraient aller dans le sens de cette thèse, notamment le fait que les combattants de l’EIIL qui ont pris la ville de Samarra ont soigneusement évité d’attaquer les mausolées des imams chiites dans cette ville, sachant qu’une telle attaque devrait forcément entraîner une riposte violente de la part de l’Iran. En même temps, ils ont commencé à multiplier les provocations, comme s’ils voulaient pousser l’Iran à faire plus de concessions en Irak, notamment au sujet de Nouri al-Maliki. Pour les partisans de cette thèse, la situation resterait ainsi contrôlable, au moins par les États-Unis qui, après avoir promis de réagir violemment contre l’EIIL, ne cessent de réduire leur aide au régime irakien qu’ils ont pourtant eux-mêmes mis en place.

D’ailleurs, un document classé secret est parvenu lundi à des milieux diplomatiques libanais, dans lequel il est question d’un plan établi par le département d’État pour favoriser le changement des régimes dans le monde arabe et en Afrique du Nord. Datant du 22 octobre 2010, ce document de 5 pages s’intitule « Middle East Partnership Initiative » (Mepi) et se propose de changer les régimes de la région (sauf l’Iran), en misant sur le renforcement de la société civile et des ONG avec l’aide de l’agence d’aide américaine (USAID). Le Mepi suggère d’appuyer les Frères musulmans et d’autres formations de « l’islam politique ». Le directeur de ce programme est actuellement Paul Sutphin, ancien consul général à Erbil puis directeur du bureau d’Israël et des affaires palestiniennes au département d’État. En septembre 2011, l’ambassadeur William Taylor a été désigné directeur du nouveau bureau appelé « The Office of the Special Coordinator for Middle East Transitions ». Taylor avait été ambassadeur des États-Unis en Ukraine pendant « la révolution orange » de 2006 à 2009…

Certains documents relatifs à ce programme n’ont pas encore été relâchés, mais ceux qui voient la main des États-Unis dans les troubles que connaît actuellement la région sont convaincus qu’il ne faut pas accorder à l’EIIL plus d’importance qu’il n’en a parce que, en réalité, ce qui se passe est un jeu d’influence des États-Unis qui veulent empêcher l’émergence d’un nouvel axe puissant au Moyen-Orient et dans le monde. Résultat, les groupes islamistes se multiplient, et l’alliance entre la Russie et l’Iran se renforce, mais la partie est loin d’être terminée…