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L’escalade Hezbollah-Futur, un effet d’électrochoc

Sandra NOUJEIM |

L’escalade verbale entre le Hezbollah et le courant du Futur n’a pas encore atteint le stade de « menaces » réelles de démission du gouvernement, ou du dialogue national, par l’une ou l’autre des deux parties.

Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, avait évoqué vendredi, lors de la commémoration de l’assassinat de Wissam el-Hassan, la perspective de sortie du courant du Futur aussi bien du dialogue que du gouvernement si le pays reste « sans institutions fonctionnelles et sans sécurité dans la Békaa ». La référence est double: d’une part, elle porte sur le blocage institutionnel, que dénonce le 14 Mars dans son ensemble, et, de l’autre, elle touche à l’échec du plan de sécurité dans la Békaa, qui concerne directement le ministre de l’Intérieur et qui est une clause principale du dialogue entre le Hezbollah et le Futur.
La réponse du Hezbollah n’a pas tardé. Le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a dénoncé hier un « chantage » de la part de « certains cadres du courant du Futur qui expriment une gêne à l’égard du Hezbollah ». « Ceux qui souhaitent rester à la table de dialogue et au gouvernement sont les bienvenus. Ceux qui souhaitent les quitter sont libres de le faire », a-t-il affirmé. S’il a insisté sur le souci de son parti de se maintenir au gouvernement, sans manquer de saluer au passage le Premier ministre, il a fait part en revanche de sa décision de « convoquer le commandement du Hezbollah pour revoir notre participation au dialogue : nous ne tolérons les provocations d’aucune partie ».
Pour l’instant, les deux formations affirment vouloir empêcher le pire. À l’instar du ministre Machnouk, qui avait assuré que le courant du Futur fera tout pour prévenir le chaos, le député Nawaf Moussaoui a déclaré hier que « la résistance est prête à contrer toute tentative de déstabiliser le Liban ».
Ainsi, l’escalade verbale semble avoir pour objectif unique et restreint de faire bouger un tant soit peu un attentisme devenu insoutenable.
Des sources proches du ministre de l’Intérieur expliquent à L’Orient-Le Jour que son discours « est moins qu’une menace mais plus qu’un simple avertissement ». Les sources insistent surtout sur le motif direct de la position de Nouhad Machnouk, « assurer une mise en œuvre équilibrée du plan de sécurité, c’est-à-dire obtenir du Hezbollah les concessions nécessaires pour l’exécution du plan dans la Békaa ». Les milieux du Futur admettent des « compromis que le ministre Machnouk a faits dans la Békaa pour assouplir l’exécution du plan de sécurité à la demande du Hezbollah. Aujourd’hui, c’est au Hezbollah de faire des concessions ». Interrogées sur la nature de ces concessions, les sources se contentent d’affirmer que « le Hezbollah sait ce qui lui est demandé ».
Sur le timing de l’escalade, le député Ahmad Fatfat précise à L’OLJ que « la situation devient intenable sur tous les plans, non seulement sécuritaire ». C’est à l’issue de la dernière réunion du bloc parlementaire du Futur, la semaine dernière en présence du ministre de l’Intérieur, que ce dernier aurait pris la décision de faire le point sur l’attitude réfractaire du Hezbollah à la mise en œuvre du plan de sécurité et, d’une manière générale, à toute démarche de réactivation minimale des institutions. L’occasion politique et forte en symbole de la commémoration de l’assassinat de Wissam el-Hassan, où une allocution du ministre était prévue, a convenu à cette fin.
Pour M. Fatfat, « cette mise au point, qui a été faite par le ministre Machnouk et que nous approuvons, constitue un tournant ». Il rappelle que « le dialogue entre le Hezbollah et le Futur porte sur deux clauses, le plan de sécurité et la présidentielle ». Le ministre de l’Intérieur aurait pris à sa charge d’effectuer « un premier pas » (selon les sources du ministère) pour tenter d’ébranler une situation générale où « le Futur tend la main au Hezbollah sans rien en échange », explique Ahmad Fatfat. Radical, il affirme que « la balle est dans le camp du Hezbollah – s’il tient au gouvernement ou à ce qu’il en reste… ».
Les voix au sein du parti chiite ont aussitôt fusé, en fin de semaine, accusant le courant du Futur de saboter le partenariat national. Pour le député Hassan Fadlallah, « le Futur a détruit Taëf en marginalisant le Courant patriotique libre, qu’il veut punir pour ses positions indépendantes et sa loyauté ». Le ministre Mohammad Fneiche a déploré « la paralysie des solutions provoquée par le 14 Mars et le Futur, qui n’ont pas respecté les règles du partenariat ». Le tout, « sur ordre saoudien », souligne le vice-président du conseil exécutif du Hezbollah, le cheikh Nabil Kaouk, qui avait par ailleurs renvoyé samedi au 14 Mars la responsabilité de « faciliter le déploiement des takfiristes dans le jurd de Ersal ».
Si le Hezbollah affirme « tenir au gouvernement » – avec une insistance plus marquée que dans le discours du Futur –, les démarches qu’il envisage restent incertaines.
Certains cadres du Hezbollah évoquent la nécessité d’une solution politique d’ensemble. Samedi en début de soirée, le député Ali Fayad avait plaidé pour « une réforme souple sans amendement constitutionnel, dans le cadre d’une entente entre toutes les parties ». À l’opposé, le cheikh Naïm Kassem avait déclaré que « le Liban est entré dans une phase de stagnation. Et ceux qui tenaient à le redynamiser auraient dû trouver des solutions ».
Cependant, la polémique avec le Futur serait indépendante du dossier des déchets. Selon des sources concordantes, le Hezbollah n’envisagerait pas de bloquer ce dossier. Les trois sites de décharge potentiels, qui font l’objet d’une étude actuellement, auraient ainsi été proposés par le parti chiite.
Une réunion du Conseil des ministres, devant servir exclusivement à mettre en œuvre la solution Chehayeb, doit se tenir cette semaine. La date de mardi, qui avait été annoncée par le ministre Derbas en fin de semaine, n’est pas confirmée par les sources du Grand Sérail, qui rappellent qu’aucune convocation n’a pour l’instant été lancée par le Premier ministre. Tammam Salam tiendrait à une réunion « en présence de toutes les parties, celles-ci étant toutes responsables du dossier » – même si le 8 Mars, et le CPL précisément, dit accepter toute solution aux déchets, fût-elle entérinée en son absence.
Enfin, alors que la présidentielle est à son point mort, deux appels ont émané simultanément hier de Dar el-Fatwa et de Bkerké, insistant sur la priorité de débloquer la présidentielle. « L’issue à toutes les crises est d’élire un président », a souligné le mufti de la République, tandis que le patriarche maronite a déclaré, depuis la basilique Sainte-Rita à Cascia (Italie), qu’il n’est « pas permis de rester sans président à cause de positions et d’opinions figées et rigides ».