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L’esprit de chicane trouble les rapports Berry-Aoun

 

LA SITUATION

Fady NOUN |  

Lentement mais sûrement, la formule gouvernementale faisait son chemin vers le jour. Certains pensaient même que le nouveau gouvernement serait pratiquement formé d’ici à dimanche, en dépit de la polémique que Nabih Berry a cru devoir soulever hier, à l’occasion de la première visite officielle du nouveau chef de l’État à Bkerké. Erreur, cette controverse semble avoir tout remis en question.
Les remarques, formulées respectivement par le président de la République et le patriarche maronite sur la prorogation du mandat de la Chambre, et sur l’accaparement permanent de certains portefeuilles, ont sorti le président de la Chambre de ses gonds. Ce dernier, qui s’est senti visé, a répliqué au chef de l’État et chargé le cheikh Abdel Amir Kabalan de répondre au patriarche.
Pourtant, les remarques du patriarche étaient restées générales. Ce dernier a exprimé la crainte de voir une exigence se transformer en coutume constitutionnelle et contribuer à la dénaturation des institutions (voir par ailleurs). Des voix se sont cependant élevées pour dire qu’il aurait pu tout simplement confier ses idées à une figure politique, ne serait-ce que pour éviter que le siège patriarcal soit éclaboussé par des réparties qui ternissent la solennité de la première sortie officielle du chef de l’État.
Inversement, et pour la même raison, le président de la Chambre aurait pu laisser ses remarques à un autre moment. Mais l’esprit de chicane, de toute évidence, continue de régner dans les sphères de M. Berry, où l’on a décidé de ne rien passer au nouveau chef de l’État.
C’est ainsi qu’on apprenait hier soir qu’à la suite de la rencontre de Bkerké, M. Berry a pris contact avec le Premier ministre désigné, Saad Hariri, pour lui signifier ses nouvelles conditions à sa participation au gouvernement : Ali Hassan Khalil aux Finances, Ghazi Zeayter aux Travaux publics, et des portefeuilles au Hezbollah et au parti Marada. Ces exigences, faites pour contrarier le président Aoun, notamment à travers la présence de deux de ses « bêtes noires », s’ajoutent désormais aux « nœuds » de la participation des deux partis Kataëb et Marada.
Avant cet énième revirement de M. Berry, le « nœud » de la participation des Forces libanaises avait été défait comme suit : « Vice-présidence du gouvernement et ministère des Travaux publics, Affaires sociales, Information (Melhem Riachi) et Tourisme (Michel Pharaon, indépendant, allié des FL). »
Toutefois, le bonheur des uns avait fait le malheur des autres : la formule FL avait privé le parti Marada de l’un des trois portefeuilles qu’il sollicitait : l’Énergie, qui a été au CPL (César Abi Khalil), les TP, alloués aux FL, et les Télécoms, qui sont allés au courant du Futur (possibilité Jamal Jarrah).
Par contre, on apprenait que le parti de Sleiman Frangié avait refusé le portefeuille de… l’Éducation, qui aurait probablement fait le bonheur de Rony Arayji, ministre sortant de la Culture. Mais à la veille d’élections législatives, tout le monde sollicite des portefeuilles de services, excellents pour attirer la clientèle.
Reste aussi le parti Kataëb, auquel Ghattas Khoury et Nader Hariri n’ont rien pu promettre encore, et qui attend toujours que l’on se souvienne de lui. On apprenait hier que Samy Gemayel doit rencontrer aujourd’hui Gebran Bassil.
Hormis ces écueils, il semblerait que Walid Joumblatt a avalé sa salive et accepté que les druzes soient traités en communauté minoritaire, et privés d’un portefeuille régalien. Ce déni a porté l’ancien ministre Michel Eddé à s’indigner dans une déclaration, de voir ainsi traitée une communauté « qui a gouverné le Liban durant un siècle » et qui, avec la communauté maronite, »« a contribué à la création d’une patrie unique et à sa préservation comme entité indépendante basée sur le vivre ensemble ».
De son côté, intervenant à la réunion d’évaluation annuelle du Conseil supérieur grec-catholique, Michel Pharaon formulait hier une remarque analogue, rappelant qu’avant l’accord de Taëf, un portefeuille régalien allait soit aux grecs-catholiques, soit aux druzes, deux communautés tenues pour majeures.