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L’État de doigt

La politique, c’est comme l’économie ou l’homosexualité : il y a l’actif et le passif.
À l’actif de notre République en jachère, on pourrait citer la décrépitude avancée de l’État et les castagnes que se lancent les guignols ministériels, ce qui nous fiche une paix royale au plan des libertés individuelles et ouvre un boulevard fleuri devant la kyrielle des collectifs sociaux pour bêler des revendications auxquelles ils sont seuls à croire.
Dans la colonne du passif, qui n’a rien à envier à l’obélisque de la place Vendôme, on pourrait citer pêle-mêle : un patron barbu surarmé, tellement victorieux qu’il vit sous terre depuis près de 10 ans; un vieux bidasse qui fanfaronne avec les armes du premier ; un barbichu adoptif des émirs des sables, qui n’en revient toujours pas de devoir pointer au chômage et laisse planer un suspense insoutenable autour de sa menace de rentrer. Sans oublier un tenancier du Parlement qui parle couramment la langue de bois, saute du coq à l’âne, enfourche la bête puis revient au coq, pour finalement osciller entre l’agence pour l’emploi de ses copains et la table du dialogue.
Bref, des personnages entortillés et pontifiants, qui se croient sans cesse obligés de nous expliquer ce qui arrivera si des choses qui n’ont aucune chance d’arriver arrivaient un jour. Pendant des années on nous a promis l’État de droit. Les années y sont, certes, l’État branlant aussi… Seul le droit a pris des contours tordus et s’est transformé en doigt d’honneur.
On nous en aura fait avaler des couleuvres, depuis 72 ans ! En comptant toutes les phases « cruciales » et « décisives » qui ont accompagné ce pays depuis l’indépendance, sans compter les étapes « critiques » et « délicates » qui vont suivre pendant les trois siècles à venir, il est évident que les Libanais se feront un plaisir de déguster les télescopages qui précéderont un improbable accord politique.
Entre-temps, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle : la mauvaise, c’est qu’avec la crise, il n’y aura bientôt plus que des sacs-poubelles à bouffer ; la bonne, c’est qu’il y en a déjà pour tout le monde.
Allez, on tire la chasse, on attend le flux et on n’en parle plus…