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L’été de l’hibernation

Élie FAYAD

Depuis qu’il n’y a plus de président de la République, une certitude se laisse ancrer un peu plus chaque jour : le chef du CPL, le général Michel Aoun, est le grain de sable dans la mécanique de la présidentielle.
L’image mécontentera pas mal de monde, certes, qu’il s’agisse d’admirateurs ou de détracteurs ; non pas tant par ce qu’elle dit sur le fond, mais par la comparaison quelque peu chétive qui est faite et qu’impose la formule consacrée.
C’est entendu : vu localement, le personnage, politiquement parlant, est conséquent. Mais à mesure que le temps s’avance et que le blocage se poursuit, l’équation présidentielle libanaise s’éloigne progressivement des frontières et des rivages du Liban, tant vers l’est que vers l’ouest. Et de là-bas, on voit tout en petit…
Cet état de choses est d’autant plus vrai qu’aux yeux des puissances concernées, régionales et internationales, le Liban apparaît aujourd’hui comme une scène très secondaire par rapport à d’autres théâtres d’opérations bien plus préoccupants dans la région : la Syrie, certes, mais il n’y a pas qu’elle. Par les temps qui courent, l’Irak, le Yémen et d’autres contrées, sans parler de l’évolution de l’Égypte, intéressent bien davantage les décideurs que le pays du Cèdre.
Et c’est tant mieux, en un sens, car dans une région et une époque aussi agitées que la nôtre, cela veut dire que la communauté internationale a moins d’inquiétude au sujet de la situation dans ce pays et ne mise pas trop sur les risques de dérapages, notamment sécuritaires, qui pourraient s’y produire.
Mais dans l’autre sens, ce relatif désintérêt des acteurs régionaux et internationaux à l’égard du Liban peut signifier aussi que l’état d’hibernation dans lequel est entrée la présidence de la République libanaise est appelé à durer plus longtemps que prévu.
Certes, on s’attend, en principe dès ce mois, au déclenchement de contacts directs entre l’Arabie saoudite et l’Iran, et à une intensification de l’activité diplomatique internationale autour de ces deux acteurs. Et on place beaucoup d’espoirs dans tout ce mouvement qui, sans le moindre doute, aurait, en cas de succès, des répercussions positives au Liban. Sauf que, justement, ce pays se situe actuellement aux dernières places à l’ordre du jour des diplomates.
Nous voici donc revenus au grain de sable du général Aoun…
Ce dernier campe, en effet, sur ses positions, que l’on ne connaît que trop. Il les a réexposées hier à la délégation des trois organismes maronites (Ligue maronite, Conseil central maronite et Fondation maronite dans le monde) qui s’efforce ces jours-ci de réunir auprès des protagonistes les conditions d’une entente minimale pouvant débloquer la situation.
Aux membres de la délégation, qui cherchaient à sonder les intentions du chef du CPL et voir s’il lui serait possible d’envisager son passage de l’état de candidat potentiel (et unique) à la présidence à celui de grand électeur, le général a clairement opposé une fin de non-recevoir : il est candidat (toujours non proclamé) et le restera, et il n’attend que la réponse de Saad Hariri.
Il n’est donc pas question pour lui d’accepter les formules que lui propose Samir Geagea, comme par exemple celle qui consisterait à ce qu’eux deux se présentent face à face devant la Chambre et que celui des deux qui obtiendrait le moins de voix se retire de la course.
Quant aux intentions du chef du courant du Futur, elles donnent lieu ces temps-ci à bien des spéculations dans les milieux politiques. C’est que M. Hariri semble s’accommoder réellement du dialogue en cours entre sa formation et le CPL, et cherche visiblement à faire savoir qu’il en est satisfait et qu’il désire le poursuivre.
Cela signifie-t-il pour autant que l’ancien Premier ministre irait jusqu’à soutenir la candidature du général à la présidence ? Rien ne le suggère jusqu’ici, et ce d’autant plus que l’on continue de croire, dans les milieux informés, que M. Hariri s’en tient lui aussi à ses positions. Celles-ci peuvent être résumées ainsi : 1) La candidature du général Aoun doit être adoubée par les chrétiens. 2) Elle doit avoir, en particulier, reçu l’aval des chrétiens du 14 Mars. 3) Elle doit être entérinée d’abord par le 8 Mars. 4) Une fois ces conditions réunies, M. Hariri ne poserait pas de veto à cette candidature et pourrait même tenter d’en convaincre les Saoudiens.
C’est ce quatrième point qui donne tant à espérer au général Michel Aoun.
D’où le grain de sable…